LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DES DIRIGEANTS
L’article 121-2 du Code pénal dispose que « la respon- sabilité pénale des personnes morales n’exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits ». Par conséquent, un dirigeant est pénale- ment responsable s’il se rend coupable d’une infraction qu’elle soit intentionnelle ou non.
LES INFRACTIONS
DE DROIT COMMUN COMMISES DANS LE FONCTIONNEMENT DE L’ASSOCIATION
PAR LE DIRIGEANT
Un dirigeant d’association peut être poursuivi au titre des infractions de droit commun (contraventions, délits, crimes), lorsqu’il les a commises dans le cadre du fonc- tionnement de l’association, pour son propre compte.
Est, par exemple, pénalement responsable un dirigeant :
• S’il se rend coupable d’abus de confiance
• S’il se rend coupable d’une banqueroute
• S’il organise l’insolvabilité de l’association afin d’empêcher le recouvrement de divers impôts (non traitée ici)
• S’il commet un délit non-intentionnel
• S’il est acteur du non-respect des obligations de publicité et de mise en concurrence visé par les textes de la commande publique
L’abus de confiance
L’article L.314-1 du Code pénal dispose que « l’abus de confiance est le fait par une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé. L’abus de confiance est puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende ».
Un dirigeant d’association qui détourne dans son propre intérêt des fonds appartenant à l’association peut voir sa responsabilité pénale engagée sur le fondement de l’abus de confiance.
Banqueroute
Les articles L. 654-1 et L. 654-2 du Code de commerce précisent qu’en cas d’ouverture d’une procédure de re- dressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, sont coupables de banqueroute les dirigeants de droit ou de fait d’associations exerçant une activité économique qui auraient :
• Fait des achats en vue d’une revente au-dessous du cours, ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds dans l’intention d’éviter ou de retarder l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire
• Détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif du débiteur
• Augmenté frauduleusement le passif du débiteur
• Tenu une comptabilité fictive ou fait disparaitre des documents comptables de l’entreprise ou de la per- sonne morale ou se seraient abstenus de tenir toute comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation
• Tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions légales
Délits non intentionnels
De nombreux comportements non intentionnels peuvent être sanctionnés pénalement, qu’ils aient été la cause directe ou indirecte d’un dommage.
En effet, l’article L.121-3 alinéa 3 du Code pénal dispose qu’ « il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d’imprudence, de négligence ou de manque- ment à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ».
L’alinéa 4 dispose que « les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la ré- alisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer ».
Par exemple, un dirigeant d’EHPAD peut voir sa respon- sabilité pénale engagée s’il a refusé d’engager les tra- vaux nécessaires à la mise aux normes des ascenseurs de son établissement et qu’un usager s’est retrouvé coincé dedans pendant plusieurs heures, entraînant un malaise et une fracture de ce dernier.
S’il se rend coupable de non-respect des obligations de publicité et de mise en concurrence visé par les textes de la com- mande publique.
La nouvelle ordonnance sur les achats54 qui assujettit les structures privées non lucratives aux règles de la commande publique par la qualification de pouvoir adju- dicateur, les soumet par la même occasion à un certain nombre de risques en matière pénale.
En effet, si la question a fait l’objet d’absence de jurispru- dence pendant longtemps, la Cour de cassation a tran- ché ce point concernant des contrats de droit privé55. Désormais, le juge judiciaire considère que le non-res- pect des obligations de publicité et de mise en concur- rence visés par les textes de la commande publique sont susceptibles de conduire à des sanctions pénales.
Le risque pénal est un risque personnel, c’est-à-dire qu’il peut viser toutes les personnes concernées par l’infraction, à condition que la personne intervienne dans l’acte d’achats.
Le délit de favoritisme56 est le principal délit, puni de deux ans d’emprisonnement et de 200 000 euros d’amende pour avoir procuré ou tenté de procurer à autrui un avantage in- justifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’ac- cès et l’égalité des candidats dans les marchés publics.
Les deux autres délits concernent la prise illégale d’inté- rêt57 et la corruption passive et trafic d’influence58.
Enfin, le décret n°2016-1696 du 12 décembre 2016 vi- sant les établissements sociaux et médico-sociaux et les établissements de santé de droit privé soumet ces der- niers au contrôle des juridictions financières.
54 Ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015
55 Arrêt n°549 du 17 février 2016
56 Article 432-14 du Code pénal
57 Article 432-12 du Code pénal
58 Article 432-11 du Code pénal
59 Cour de cassation, ch. crim., 28 janvier 1975, n° 74-91.495
60 Cour de cassation, ch. crim., 7 novembre 1994, n° 354
61 Cour de cassation, ch. crim., 29 avril 1996, n° 93-85.169
Le texte précise que le contrôle exercé par la Chambre Régionale des Comptes peut porter à la fois sur la gestion de la passation et l’exécution des marchés publics (les structures privées à but non lucratives pouvant passer des contrats privés dans le cadre des marchés publics).
Les infractions de droit commun com- mises dans la représentation de l’association par le dirigeant
Outre les infractions de droit commun commises dans le fonctionnement de l’association par le dirigeant, ce der- nier peut voir sa responsabilité pénale engagée en cas de faute commise dans la représentation de l’association.
Pour que cette faute lui soit imputable, il faut qu’il soit avéré qu’il n’ait pas agi pour le compte de l’association mais pour son propre compte.
C’est notamment le cas lorsqu’il accomplit un acte délictueux :
• Qui ne relève pas l’objet social de l’association
• Dans son propre intérêt et non celui de l’association
Le transfert de responsabilité pénale: la délégation de pouvoirs
Sous certaines conditions, un dirigeant peut déléguer une partie de ses pouvoirs et donc transmettre sa res- ponsabilité pénale.
Une délégation de pouvoirs opère un transfert de res- ponsabilité, dans le seul domaine de compétence effec- tivement délégué. Néanmoins, un dirigeant d’association ne peut pas déléguer l’intégralité de ses pouvoirs59 (voir FAQ – Question 4).
Un dirigeant d’association est exonéré de sa responsa- bilité pénale si et seulement si l’infraction relève du do- maine de compétences délégué60 et qu’il n’a pas pris part à la réalisation de l’infraction61.
La délégation doit répondre à certaines conditions :
• Elle ne doit pas être interdite par une disposition légale et/ou réglementaire
• Qu’elle soit écrite (ce que nous conseillons) ou orale, elle doit être certaine et non ambiguë
• Elle doit être consentie à une personne soumise à l’autorité hiérarchique du dirigeant l’ayant effectuée
• Elle doit être expressément acceptée par le bénéfi- ciaire (par signature par exemple)
• Le bénéficiaire doit avoir la compétence, l’autorité et les moyens nécessaires pour exercer effectivement les pouvoirs qui lui sont délégués
LES INFRACTIONS SPÉCIFIQUES AUX ASSOCIATIONS
Outre les infractions de droit commun, certaines infrac- tions concernent plus particulièrement les associations en vertu de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.
Les infractions liées aux modifications statutaires ou dans la direction de l’asso- ciation
L’article 5 de la loi du 1er juillet 1901 dispose que :
• « Toute association qui voudra obtenir la capacité juridique prévue par l’article 6 devra être rendue pu- blique par les soins de ses fondateurs »
• « La déclaration préalable en sera faite au représen- tant de l’Etat dans le département où l’association aura son siège social. Elle fera connaître le titre et l’objet de l’association, le siège de ses établissements et les noms, professions et domiciles et nationalités de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de son administration. Un exemplaire des statuts est joint à la déclaration. Il sera donné récépissé de celle- ci dans le délai de cinq jours »
• « L’association n’est rendue publique que par une in-
sertion au Journal Officiel, sur production du récépissé»
• « Les associations sont tenues de faire connaitre, dans les trois mois, tous les changements survenus dans leur administration, ainsi que toutes les modifi- cations apportées à leurs statuts »
L’alinéa 1er de l’article 8 de la loi du 1er juillet 1901 stipule que peuvent être puni d’une amende, ceux qui auront violé les dispositions de l’article 5 précitées.
Le non-respect d’une décision judi- ciaire de dissolution d’une association
L’article 8 alinéas 2 et 3 de la loi du 1er juillet 1901 dis- pose que « seront punis de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende :
• Les fondateurs, directeurs ou administrateurs de l’association qui se serait maintenue ou reconstituée illégalement après le jugement de dissolution
• Toutes les personnes qui auront favorisé la réunion des membres de l’association dissoute, en consen- tant l’usage d’un local dont elles disposent »
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