DROIT, SCIENCES SOCIALES ET POLITIQUES
SCIENCES ECONOMIQUES ET DE GESTION
L’APPLICATION DU DROIT DES SOCIETES AUX ASSOCIATIONS
Présenté par
Jacques - Brice MOMNOUGUI
Mémoire pour l’obtention du Master II Droit privé
fondamental : Dominante Droit des affaires
Sous la direction de Mme Florence Deboissy
Professeur à l’Université Montesquieu – Bordeaux IV
Année Universitaire 2006 – 2007
Liste des abréviations
AJ Actualité
Juridique
Al.
Alinéa
Art.
Article
Ass. Plén. Assemblée plénière
Bull. Bulletin
des arrêts de la Cour de cassation
BODACC Bulletin
officiel des annonces civiles et commerciales
Bull.
Joly Bulletin
Joly
Cass.
civ. Cour
de cassation, chambre civile
Cass.
com. Cour
de cassation, chambre commerciale
Cass.
soc. Cour
de cassation, chambre sociale
C.
Code
C.
ass. Cour
d’assises
C. civ. Code
civil
C.
com. Code
de commerce
C.
trav. Code
du travail
Chap. Chapitre
Chron. Chronique
Concl. Conclusions
D. Recueil
Dalloz
Décr. Décret
Gaz.
Pal. Gazette
du Palais
JCP Juris-Classeur
périodique (Semaine juridique)
JO Journal
officiel
J.-Cl.
Soc. Juris-Classeur
Sociétés
L. Loi
NCPC Nouveau
Code de procédure civile
Op.
cit. Ouvrage
déjà cité
Ord. Ordonnance
Rev.
Sociétés Revue
des sociétés
RJ com. Revue
de jurisprudence commerciale
RTD
Civ. Revue
trimestrielle de droit civil
RTD
Com. Revue
trimestrielle de droit commercial
SOMMAIRE
TITRE I : L’application du droit des sociétés à
l’association acte juridique
CHAPITRE 1 : L’ASSOCIATION, ACTE DE VOLONTE
Section 1 : La volonté, condition de validité des
décisions modificatrices des statuts
Section 2 : La volonté, condition de survie de
l’acte
CHAPITRE 2 : L’ASSOCIATION, ACTE D’ORGANISATION
Section 1 : L’organisation du pouvoir
Section 2 : La possibilité de contester le
pouvoir au sein de l’organisation
TITRE II : L’application du droit des sociétés à l’association
personne morale
CHAPITRE 1 : LES EFFETS LIES A LA
PERSONNIFICATION DE L’ASSOCIATION
Section 1 : L’effet sur la constitution de
l’association : La reprise des engagements
Section 2 : L’effet sur la disparition de
l’association : La survie de la personnalité juridique pour les besoins de la
liquidation
CHAPITRE 2 : LA RESPONSABILITE CIVILE DES
DIRIGEANTS DE L’ASSOCIATION PERSONNIFIEE
Section 1 : La déresponsabilisation de fait des
dirigeants de l’association à l’égard des sociétaires
Section 2 : La déresponsabilisation de fait des
dirigeants de l’association à l’égard des tiers
INTRODUCTION
GENERALE
1. « La loi du 1er juillet 1901 relative au contrat
d’association ne fait aucune référence au droit des sociétés dont il
puisse résulter que des règles applicables au droit des sociétés soient
transposables aux associations »[1] .
De prime abord, il serait tentant d’accorder du crédit
à cette réponse ministérielle dans la mesure où, l’une des spécificités du
droit privé français est la diversité de ses groupements.
2. Cette caractéristique est en fait une richesse[2] puisque, en fonction des buts poursuivis par les
fondateurs, ceux-ci peuvent librement se doter d’une structure appropriée.
Ainsi, lorsque le but est de partager les
bénéfices ou profiter d’une économie, les fondateurs feront le choix de la
société puisqu’elle est «instituée par
deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une
entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le
bénéfice ou profiter de l’économie qui pourra en résulter » au sens de l’Art.1832 al.1er du
Code civil.
Quant à l’association, elle sera choisie par ceux dont
le but n’est pas le partage de bénéfices. L’Art.1er de la loi
de 1901 dispose en effet que : « L’association est la
convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une
façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que
de partager des bénéfices. Elle est régie quant à sa validité, par
les principes généraux du droit applicable aux contrats et
obligations ».
3. Il s’en suit donc que l’association n’est pas la société, et la société
n’est pas l’association. Plus radicalement encore, il semble que l’association
se situe à l’opposé de la société. Cette opposition a été voulue par le
législateur en 1901. En effet, à la lecture des travaux préparatoires de
la loi de 1901 il ressort clairement que les parlementaires ont conçu
l’association comme se situant à l’opposé le plus extrême de la société,
puisque ils sont partis de la définition de la société pour retenir une
définition exactement contraire de l’association[3].
4. Partant de là, plusieurs arguments ont été avancés pour critiquer
l’application par les juges du droit des sociétés aux associations.
Il a d’abord été soutenu, que cette application ne
serait que la résultante d’un certain laxisme des juges qui au lieu
d’interpréter le contrat d’association, cèdent par facilité à la transposition
des règles du droit des sociétés.
Il a aussi été soutenu que la transposition
jurisprudentielle constituait une atteinte à la liberté contractuelle et une
violation de l’art. 1er de la loi de 1901.
Il a enfin été avancé que cette transposition visait à
faire de l’association une société, ce qui consisterait en fait à la dénaturer.
5. Ces fortes critiques peuvent toutes se résumer en une seule :
L’opposition radicale entre l’association et la société. Cette opposition peut
cependant être relativisée. En effet, d’une part, il existe des points de
rencontre entre elles[4] et d’autre part, elles peuvent entrer en concurrence[5].
6. De même, doit être relativisée la réponse ministérielle du 10 décembre
1984[6] puisque les juges continuent d’appliquer le droit des
sociétés à des associations. Ceci revient à considérer comme nulle la valeur
juridique d’une réponse ministérielle.
7. Au demeurant, cette transposition jurisprudentielle qui a commencé
timidement dans les années 60 du siècle dernier, est devenu au cours de ces
dernières années[7], par la profusion des arrêts, un véritable phénomène.
De plus, la jurisprudence tend aujourd’hui à construire ce qui constituerait
peut-être le « droit commun des groupements » que beaucoup appellent
de leurs vœux[8].
8. Partant de là cette transposition peut être justifiée aux plans
politique et technique.
Au plan politique, la loi de 1901, qui a institué la
liberté d’association exhibe de nombreuses carences. Fière de ses 18 articles[9], elle ne dit mot sur l’organisation du groupement
associatif, qu’elle abandonne aux fondateurs. Ce dessaisissement du législateur
qui a été qualifié « de principe de liberté statutaire » aboutit en
fait à un libertinage dangereux tant pour les sociétaires[10] que pour les tiers[11].
Au plan technique, il n’y a pas de déni de justice[12], le référé législatif[13] n’existe plus, donc les juges ne
peuvent que statuer. Par ailleurs, le droit des sociétés s’est beaucoup
développé, à la différence du droit associatif.
Par droit des sociétés aujourd’hui, il faut entendre
le Code civil[14], le Code de commerce[15], le Code Monétaire et Financier[16] et des lois non codifiées[17]. Le droit des associations quant à
lui est issu pour l’essentiel de la loi de 1901 et son décret d’application du
16 août 1901, du Code civil par renvoi[18], du Code de commerce[19], de certaines lois non codifiées[20] et de nombreux textes dérogatoires
au droit commun[21]. Le droit associatif est donc aussi
vaste que le droit des sociétés, avec cette différence que la loi de 1901 qui
constitue le socle du droit commun des associations n’a fait l’objet que de
timides retouches. Le contrat d’association, tel qu’il résulte de cette Loi,
n’a jamais été modifié à la différence du contrat de société.
Et si on a pu plaider pour le maintien tel quel de
cette Loi[22], c’est en réalité parce qu’elle a
répondu à un vœu séculaire, voire millénaire : La liberté d’association.
Mais en réalité, le constat généralement opéré est de parler de
« carences » du droit associatif, face aux « excès » du
droit des sociétés.
9. Le recours au droit des sociétés opéré par les juges
saisis est donc justifié. Bien plus, il est nécessaire car il permet de combler
le vide juridique laissé par la loi de 1901. La méthode utilisée est le
raisonnement a pari ou par analogie. Il s’agit d’une méthode exégétique
d’interprétation de la Loi qui consiste pour le juge à remonter à la ratio
legis,
c'est-à-dire à l’esprit du législateur pour appliquer dans le silence d’une Loi
d’autres règles issues d’autres Lois et dont le but est de régir la même
situation.
10. Si les juges raisonnent a pari c’est qu’ils considèrent que les
solutions du droit des sociétés sont transposables aux associations. Ils
affirment donc de manière indirecte qu’il s’agit de deux choses du même genre.
Le législateur semble raisonner pareillement lorsqu’il réunit l’association et
la société à travers le droit commun de l’entreprise[23].
11. Si l’application du droit des sociétés aux associations
aboutit à réunir deux groupements que tout opposait, il ne faudrait pas qu’on
en arrive à les confondre. Il importe donc de vérifier que les juges ont bien
respecté cette exigence. Encore faut-il rechercher au préalable les fondements
de cette transposition. Pour ce faire, il convient de se demander :
quelles sont les fondements des règles juridiques qui sont transposées ?
Quelle est la portée de cette transposition ?
12. L’application du droit des sociétés aux associations
présente des intérêts pratique et théorique.
D’un point de vue pratique, d’une part, le rôle des
associations dans la vie publique et sociale s’est fortement accru : des
associations caritatives, cultuelles, intellectuelles aux associations de
consommateurs, raciales, de défense des sans-papiers. Les associations sont
partout et naissent chaque jour. Ce phénomène associatif[24] a provoqué l’institution du CNVA[25] qui est chargé d’étudier et de
suivre l’ensemble des questions intéressant la vie associative, de donner son
avis sur les projets de textes législatifs ou réglementaires et proposer les
mesures utiles au développement de la vie associative[26]. D’autre part, il s’agit aussi de
savoir si au fur et à mesure des transpositions, l’association serait devenue
une société.
D’un point de vue théorique, l’application du droit
des sociétés aux associations a suscités en doctrine, un vif débat quant aux
règles qu’il fallait transposer pour éviter de dénaturer l’association. Il a
ainsi été proposé de se fonder soit sur des « règles techniques »
soit sur des règles issues des « principes communs des personnes
morales » ou des « principes communs des groupements ».
Si le fondement des « règles techniques »
semble délicat dans sa mise en œuvre[27], il n’est pas superflu d’imaginer
les principes communs des groupements ou des personnes morales. Les deux
qualificatifs, seront retenus ici, pour la simple raison, qu’ils ne sont pas
incompatibles[28].
13. Dans le cadre de cette étude, les fondements qui ont
été retenus pourraient aboutir à un consensus doctrinal tout en rassurant la
pratique[29]. Ces fondements sont « l’acte
juridique » et la « personnalité morale ». Dès lors, il
sera successivement envisagé l’application du droit des sociétés à
l’association acte juridique (Titre I) et l’application du droit des sociétés à
l’association personne morale (Titre II).
Titre I : L’application du
droit des sociétés à l’association acte juridique
14. Par acte juridique, il faut entendre : « une
opération juridique (negotium) consistant en une manifestation de la volonté
(publique ou privée, unilatérale, plurilatérale ou collective) ayant pour objet
et pour effet de produire une conséquence juridique (établissement d’une règle,
modification d’une situation juridique, création d’un droit, etc.)[30] ».
15. L’association et la société sont deux actes
juridiques car ils sont issus d’une manifestation de volonté, et produisent des
effets de droit. Il s’agit d’actes juridiques particuliers, distincts des
autres pour un certain nombre de raisons.
D’abord, ils se distinguent des autres actes
juridiques par la présence d’un intérêt commun. Ce ne sont donc pas des « jeux à
somme nulle où l’un perd ce que l’autre gagne [31] » dépourvus de
possibilités d’expression collective et de représentation. Il s’agirait plutôt
d’ « un jeu de coopération où tous les joueurs gagnent et
perdent en même temps[32] ».
Ensuite, ils se caractérisent aussi par le fait qu’ils
créent une organisation[33], une structure dotée d’organes qui
se répartissent le pouvoir, et émettent des actes juridiques dont la portée a
largement au-delà de la simple structure sociale.
16. En tenant compte de cette réalité, les juges ont
appliqué à des associations un certain nombre de règles issues de leur
nature commune d’acte juridique avec la société.
17. En tant qu’acte juridique, l’association est donc un
acte de volonté (Chapitre 1) dont l’effet est de créer une organisation. Et en
cela, elle est aussi un acte d’organisation (Chapitre2).
Chapitre 1 : L’association,
acte de volonté
18. L’association est un acte de volonté car elle est
créée par au moins deux personnes qui expriment une volonté commune. Cette
volonté délimite en fait l’animus du groupement associatif qui est constitué entre
autres « d’un concours de volontés pour remplir l’objet social [34] ».
19. Ce concours de volontés se retrouve en fait au delà
des associations, dans tous les groupements volontaires de droit privé[35]. Cela justifie sans doute qu’un
auteur l’ait érigé au rang de principe commun à tous les groupements sous le
vocable d’affectio collaborationis[36].
20. À la naissance de l’acte, ses créateurs sont animés
d’une volonté d’être ensemble. Ils se choisissent et s’engagent à employer
« leurs connaissances à la réalisation d’un but autre
que le partage des bénéfices »[37].
21. Mais, une fois l’acte créé, l’association va se doter
d’une possibilité d’expression collective. La volonté de tout un chacun se
manifeste alors par la participation à l’assemblée générale à travers
l’expression d’un droit de vote. Certes, les décisions sont prises à la
majorité et s’imposent même à ceux qui n’y ont pas consenti. Mais quid lorsque ces dernières modifient les
statuts en augmentant les engagements des sociétaires ?
22. Enfin, l’existence de l’acte est conditionnée par
cette volonté commune, et la disparition de cette volontas suffit à entraîner la disparition
de l’acte. Mais à quelles conditions ?
23. Saisis par les associations, les juges n’ont pas
hésité, en recourant au droit des sociétés, à affirmer le rôle de la volonté
dans le fonctionnement et l’existence de l’association. La volonté est alors
une condition de validité des décisions modificatrices des statuts (Section 1)
et une condition de survie de l’acte (Section 2).
Section 1 / La volonté, condition de
validité des décisions modificatrices des statuts : L’interdiction
d’augmenter les engagements d’un sociétaire sans son consentement
24. Dans certains groupements, la Loi prévoit
expressément que les engagements d’un membre ne peuvent être augmentés sans son
consentement[38]. Rien de tel n’a été prévu pour
l’association par la loi de 1901.
25. Dans un arrêt du 20 juin 2001[39], la Cour de cassation a étendu
cette interdiction aux associations sur le fondement de l’art. 1134 du C. civ.
(§1). Toutefois, elle aurait pu, pour aboutir à un résultat identique mais
plus efficace, retenir comme fondement l’art. 1836 du C. civ. (§2)
§ 1) Le fondement
retenu : L’art. 1134 du Code civil
26. Dans cette affaire, les statuts de l’AFUL[40] Neuve Douane avaient été modifiés,
entraînant notamment un changement du critère de répartition des dépenses de
l’association. Mais cette nouvelle répartition s’étant révélée défavorable à un
sociétaire (M. Colombero), ce dernier contesta en justice la validité de cette
délibération qui aggravait son engagement. Les juges suprêmes saisis, par un
arrêt de Cassation, rendirent au visa de l’art. 1134 du C. civ. l’attendu
suivant :
« Qu’en statuant
ainsi, sans constater que M. Colombero avait accepté la modification des
statuts, alors que celle-ci aboutissait à une augmentation de ses engagements,
la Cour d’appel a violé le texte susvisé »
27. S’il convient de relever le mérite de cette solution
(A), révéler ses limites (B) semble inévitable.
A – Le mérite de la solution :
L’association, contrat
28. En se fondant sur l’art. 1134[41] du C. civ. les juges suprêmes ne
font qu’affirmer la nature contractuelle de l’association. C’est là le seul
mérite de cette solution qui « privilégie l’association-contrat
par rapport à l’association-institution »[42].
29. Si au sens de l’art. 1134 al 1er, le contrat est
la loi des parties, cela signifie qu’il est d’une part la loi des parties
seulement (1) et d’autre part la loi de toutes les parties (2).
1°) Le contrat d’association, loi
des parties seulement
30. Il convient au préalable d’identifier quelles sont
les parties au contrat d’association.
L’association naît d’un contrat passé entre les
membres de l’association, mais elle est aussi un contrat passé entre
l’association elle-même et chaque membre.
31. En tant que loi des parties uniquement, le contrat
d’association ne peut faire l’objet d’une modification extérieure. Dès lors,
seules les parties peuvent décider de la modification du contrat et un juge ne
peut modifier lui-même le système de répartition des charges des sociétaires
déterminé par les statuts[43].
32. Mais l’une des parties, notamment l’association
peut-elle modifier unilatéralement le contrat ? Y répondre par la négative
permettrait d’affirmer que l’association est aussi la loi de toutes les
parties.
2°) Le contrat d’association, loi de
toutes les parties
33. En se fondant comme elle l’a fait sur l’art. 1134 du
C. civ. la Cour de Cassation reconnaît que l’association est la loi de toutes
les parties. Dès lors, l’association ne peut modifier unilatéralement le
contrat.
34. Les juges semblent affirmer qu’aucune modification
ultérieure du contrat d’association ne saurait être décidée sans le
consentement des membres concernés. Ce serait en effet, aller à l’encontre de
leurs obligations contractuelles. C’est en fait la nature contractuelle de
l’association qui ne permet pas à l’assemblée, sauf si elle statue à
l’unanimité des membres, de modifier l’engagement de ceux-ci[44].
35. Cela vaut-il dans tous les cas ? Ou uniquement
lorsque la décision modificatrice vient augmenter les engagements initiaux des
sociétaires ?
36. Il est permis de croire que cette solution vaudra
pour toutes les modifications étant entendu que la nature contractuelle de
l’association n’a jamais été véritablement contestée.
37. Cette solution est donc bien fondée en ce qu’elle
affirme sans ambages la nature contractuelle de l’association. Cependant, elle
semble limitée dans sa portée.
B – Les limites de la solution
38. Cette solution semble avoir une portée limitée, car
au lieu de poser un principe de portée générale, elle fait référence aux
statuts de l’association (1), alors que cette référence comporte un certain
nombre de limites (2).
1°) la référence aux statuts
39. La loi de 1901 a certes accordé une grande liberté
aux sociétaires en ce qui concerne leurs règles de fonctionnement. C’est un
principe légal fortement réaffirmé, à tel point que la plupart des arrêts font
toujours référence aux statuts et l’arrêt suscité n’échappe pas à cette
règle. En l’espèce, « l’aggravation des charges des sociétaires
n’était pas prévue parmi les décisions pouvant être prises à la majorité. La
solution aurait-elle été la même si cela avait été le cas ?[45] ».
40. Cette question permet en réalité d’entrevoir les
limites de cette référence aux statuts.
2°) Les limites de la référence aux
statuts
41. Les juges suprêmes prennent le soin de faire
expressément référence aux statuts sur la base de deux principes classiques du
droit général de la cassation en matière de contrats.
Le premier édicte que « les
statuts font la loi des parties et la liberté contractuelle laisse à celle-ci
le soin de fixer comme elles l’entendent le contenu des statuts[46] ».
Le second énonce que « l’interprétation
des statuts par les juges du fond est souveraine sauf dénaturation[47] ».
42. Ces principes, dont la justification ne fait l’objet
d’aucun doute a pu conduire à des dérives dans les associations. Ainsi, dans un
arrêt du 25 avril 1990[48], la Cour de Cassation a admis que
les statuts d’une association votés dans des conditions régulières pouvaient
priver de droit de vote certaines catégories de sociétaires.
43. Certes, il faut relativiser la portée de cet arrêt,
car la Cour suprême ne s’est pas prononcée sur le principe du droit de vote
mais sur la validité des clauses statutaires.
44. Mais on le voit tout de même, la restriction du droit
de vote est encore plus grave que l’augmentation des engagements des membres.
Et si la première est exclue, on ne saurait imaginer la seconde. Les deux vont
de paire, d’où la nécessité d’affirmer avec force, comme principes communs à
tous les groupements, le droit de vote mais aussi la règle de l’interdiction d’augmentation
des engagements sans le consentement des membres.
45. En somme, pour les raisons exposées précédemment, la
référence à l’art. 1134 du C. civ. ne permet pas d’assurer de façon pérenne et
générale l’inviolabilité de la règle de l’intangibilité. En vertu de l’adage specialia
generalibus derogant, il
convient peut - être de souhaiter que les juges recourent de lege
ferenda à l’art.
1836 du C. civ.
§ 2) Le fondement souhaitable :
L’art. 1836 du Code civil
46. Aux termes de l’art. 1836 du C. civ.
« Les
statuts ne peuvent être modifiés, à défaut de clause contraire que par l’accord
unanime des associés.
En
aucun cas, les engagements d’un associé ne peuvent être augmentés sans le
consentement de celui-ci ».
47. La transposition de l’art. 1836 du C. civ. aux
associations est souhaitable dans la mesure où elle conduirait au même résultat[49] que celui de l’art. 1134 du C.
civ., sans encourir les mêmes critiques. Il s’agit donc d’une transposition
évidente (A) mais surtout efficace (B) pour l’affirmation de cette règle comme
principe.
A – L’évidence de la transposition
48. Envisager comme évidente la transposition de cet
article c’est reconnaître aux sociétaires comme aux associés une identité de
situation face à une décision venant augmenter leurs engagements initiaux. En
effet dans un cas comme dans l’autre on peut retrouver une décision modificatrice
des statuts (1), entraînant une augmentation des engagements d’un ou plusieurs
membres du groupement (2).
1°) La décision modificatrice des
statuts
49. À l’instar des sociétés, la décision modificatrice
des statuts d’une association relève de la compétence de l’assemblée générale
extraordinaire. Le principe pour tous les groupements contractuels est
l’unanimité à moins que les statuts ou la loi ne prévoient un autre mode de
répartition.
Dans les deux cas on a donc un même organe, édictant
une mesure identique : Une décision venant modifier les engagements
initiaux des membres du groupement.
2°) L’augmentation des engagements
des membres du groupement
50. Il semble intéressant, à ce stade du raisonnement de
se demander en quoi consiste l’augmentation des engagements. En d’autres
termes, à partir de quel moment un membre va-t-il considérer que son engagement
a été augmenté ?
En droit des sociétés, l’examen de la jurisprudence
permet d’envisager plusieurs situations pouvant aggraver les engagements des
associés[50].
En droit des associations, dans l’arrêt du 20 juin
2001[51], l’augmentation des engagements
consistait en un changement du critère de répartition des dépenses de
l’association.
51. Mais quid des cotisations ?
La question ne manque pas d’intérêt dans la mesure où
une partie de la doctrine a pu considérer que ces sommes ne pouvaient être
considérées comme étant l’engagement des associés[52]. Et dès lors, on ne pouvait
considérer que l’intangibilité des engagements puisse viser les hypothèses
d’augmentation des engagements. Toutefois cela est contestable dans la mesure
où les cotisations « restent le reflet de
l’engagement des membres[53] ».
52. L’évidence de transposition de l’art. 1836 ne fait
donc l’objet d’aucun doute car on le voit, dans l’association comme dans la
société, les membres se retrouvent dans la même situation. Mais bien plus que
l’évidence, c’est l’efficacité de cette transposition pour l’instauration du
principe de l’intangibilité des engagements en droit des associations qu’il
convient d’envisager.
B – L’efficacité de la transposition
53. Cette transposition serait, semble-t-il, pleinement
efficace pour affirmer avec force la règle de l’interdiction comme principe
commun. Pour ce faire il convient de se référer d’abord au droit des sociétés
où elle est d’ordre public, la jurisprudence[54] considérant même qu’elle est
sanctionnée de nullité absolue (1). Ensuite il sera envisagé les conséquences
de son application aux associations (2).
1°) L’art. 1836 du Code civil en
droit des sociétés
54. En droit des sociétés dans un arrêt du 13 novembre
2006[55] les juges ont accordé une valeur
absolue à l’art. 1836 en décidant que : « Lorsque
l’augmentation des engagements des associés ne procède pas de leur consentement
unanime, l’associé ayant consenti à cette augmentation n’est pas de ce seul
fait, dépourvu d’intérêt à agir en nullité car l’art. 1836, alinéa 2, du Code
civil est une disposition d’ordre public sanctionnée de nullité absolue ».
55. En l’espèce, une action en nullité était dirigée
contre une décision d’assemblée générale à laquelle il était reproché d’avoir
augmenté les engagements des associés sans leur consentement unanime, il
s’agissait alors de savoir si l’un des associés ayant consenti à la décision
était recevable à agir. La Cour en recevant cette action, estime que la règle
est d’ordre public et donc sanctionnée de nullité absolue.
56. Certes la solution est critiquable[56], mais elle reste tout de même
intéressante car elle affirme sans équivoque que la règle de l’intangibilité
des engagements est d’ordre public. Et en cela, son application aux
associations pourrait entraîner un certain nombre de conséquences.
2°) Les conséquences de
l’application de l’art. 1836 aux associations
57. Puisque l’art. 1836 est d’ordre public, il ne saurait
y être dérogé conventionnellement. En l’appliquant aux associations les juges
feraient rentrer une disposition impérieuse dans le droit des associations non
sans quelques grincements de dents[57].
58. Au demeurant, cela permettrait peut être de lutter
contre les dérives constatées dans les associations notamment en matière de
droits politiques[58] des sociétaires, et d’injecter un
peu de démocratie dans les associations. Il ne reste plus qu’à espérer que la
jurisprudence fasse prochainement application de cette disposition aux
associations.
59. La jurisprudence, on l’a vu, reconnaît que la volonté
est une condition de validité des décisions modificatrices des statuts en
appliquant la règle de l’intangibilité des engagements aux associations. Mais
elle pourrait aller plus loin encore en transposant l’art. 1836 al. 2 qui est
en droit des sociétés une disposition d’ordre public[59].
60. La jurisprudence, on le verra, reconnaît aussi que
l’association est un acte volontaire, un groupement de personnes et en tant que
tel, la volonté est également une condition de survie de l’acte.
Section 2 / La volonté, condition de
survie de l’acte
61. C’est peut-être une vérité de Lapalisse que
d’envisager la problématique de la dissolution volontaire de l’association. En
effet, c’est un contrat auquel n’échappe pas le mutuus
dissensus. C’est en
tout cas ce que rappelle l’art. 1er et l’art. 9 de la loi de 1901.
62. Mais l’enjeu n’est pour autant pas inexistant. En
effet, en l’absence de mutuus dissensus, est-il possible qu’un sociétaire
qui ne désire plus poursuivre l’activité commune, sollicite en justice la
dissolution du groupement ? Si oui n’est-ce pas un cas de solus
dissensus homologué
par le juge?
63. Alors qu’en droit des sociétés, il est admis depuis
longtemps que la société ne peut survivre à une mésentente si elle est « de
nature à paralyser son fonctionnement »[60] aucune disposition similaire
n’existe dans la loi de 1901.
64. La jurisprudence a donc dû pallier cette carence en
transposant la dissolution pour justes motifs de l’art. 1844-7-5 aux
associations (§ 1). Au-delà, n’est-ce pas l’ensemble de l’art. 1844-7 qui est
considéré comme un principe commun à tous les groupements ? Il convient
donc d’analyser les probabilités de transposition des autres dispositions de
l’art. 1844-7 du Code civil (§2).
§ 1) La transposition de la
dissolution pour justes motifs
65. Le juge judiciaire peut prononcer la dissolution de
l’association lorsque des « justes motifs » paralysent le
fonctionnement de la société. La jurisprudence a d’abord été hostile à
l’application de cette dissolution à des groupements à but non lucratif[61]. Ensuite, elle admit le principe de
cette dissolution en se référant au droit des contrats et sans recourir au doit
des sociétés (A). Aujourd’hui, elle semble considérer l’art. 1844-7-5 comme un
principe commun de dissolution (B).
A – Le fondement contractuel
66. L’hésitation de la jurisprudence à appliquer l’art.
1844-7-5 aux associations pose la question du fondement contractuel de la
dissolution pour justes motifs. Par deux arrêts[62], certes anciens, les juges ont
estimé que la dissolution pour justes motifs était possible lorsqu’une des
parties méconnaissait gravement ses obligations contractuelles (1) ou lorsqu’il
ne régnait plus aucun esprit de confiance au sein de l’association (2).
1°) La méconnaissance des
obligations contractuelles
67. Dans un arrêt du 17 octobre 1973[63], la Cour de cassation prononça la
dissolution d’une association en se fondant sur la méconnaissance par un sociétaire
de ses obligations contractuelles. En l’espèce, un contrat d’association avait
été conclu entre deux vétérinaires. Après deux années sans problèmes, l’un
d’eux (M. Boïté) fit paraître une annonce indiquant qu’il recevrait désormais
les clients et les appels à son domicile et non plus au siège social. L’autre
(M. Lassourd) demanda alors aux juges de prononcer la rupture du contrat
d’association et la condamnation de M. Boïté au paiement de dommages intérêts.
La Cour d’appel saisie prononça la résolution du contrat aux torts de M. Boïté.
Saisie par ce dernier, la Cour de cassation valide le raisonnement des premiers
juges par un attendu qui mérite d’être repris :
« Attendu ensuite,
qu’après avoir, par une interprétation […] du contrat […] considéré que la commune
volonté des parties était de voir exercer la profession au siège
social de l’association, les juges du second degré ont souverainement estimé
que Boïté, en transférant son cabinet à son domicile particulier et en publiant
un communiqué donnant à penser à la clientèle qu’il exerçait désormais seul la
profession, avait eu un comportement justifiant la dissolution de
l’association »
68. Cet arrêt permet de tirer deux enseignements :
- La
dissolution (ou la résolution du contrat) de l’association peut être prononcée
lorsque la commune volonté des parties fait défaut.
- Celle-ci
fait notamment défaut lorsque l’un des sociétaires a méconnu ses obligations
contractuelles.
69. De ces observations, il semble opportun de faire le
rapprochement entre la dissolution pour justes motifs et la condition
résolutoire de l’art. 1184 du C. civ. Qu’est-ce finalement que la dissolution
pour justes motifs si ce n’est la transposition de la condition
résolutoire[64] ?
En effet la condition résolutoire qui est sous
entendue dans tous les contrats synallagmatiques, consiste pour une partie à
solliciter en justice la résolution avec dommages et intérêts lorsque l’autre
partie ne satisfait point son engagement. N’est-ce pas la même situation,
lorsqu’un associé sollicite en justice la dissolution de la société pour
inexécution par un autre de ses obligations contractuelles ?
70. Toutefois, l’application de l’art. 1184 exclut que
les torts soient réciproques. Il faut alors dissoudre tout simplement le
groupement sans dommages et intérêts. C’est notamment, le cas lorsque les
sociétaires s’accusent réciproquement de détournement et ne se font plus
confiance.
2°) La perte de confiance réciproque
71. Dans un arrêt du 10 mai 1978[65], deux médecins s’étaient constitués
en association en vue de l’exploitation en commun d’un cabinet médical.
S’accusant réciproquement de détournement, la Cour d’appel saisie refusera de
prononcer la résolution de leurs contrats aux torts exclusifs de l’un d’eux en
estimant « qu’en se privant de l’affectio societatis qui
devait présider à leurs rapports professionnels, les docteurs Sucrot et Gros
ont commis vis-à-vis de l’autre les fautes qui légitiment la dissolution de
l’association sans indemnité ». Les juges suprêmes ne feront que confirmer ce
raisonnement.
72. En statuant ainsi ils fondent la dissolution pour
justes motifs sur la perte de confiance réciproque qui constituait en l’espèce
une privation de l’affectio societatis. La référence à cet « affectio », pour le cas d’une
association, ne devrait pas surprendre pour deux raisons :
- D’une
part, l’affectio societatis n’est que la traduction latine du consentement que
l’on retrouve dans tous les contrats
- D’autre
part, elle n’est donc pas propre aux sociétés, c’est dans ce sens que l’on
parle souvent d’affectio associationis, consiacionis,
collaborationis…
73. L’étude de cette jurisprudence ancienne a permis de
révéler le fondement contractuel de la dissolution pour justes motifs. Mais la
jurisprudence n’hésite plus comme par le passé à appliquer l’art. 1844-7-5 aux
associations, article qu’elle considère comme un principe commun de dissolution
des groupements de personnes.
B – L’art. 1844-7-5, principe commun
de dissolution
74. Le raisonnement actuel de la Cour de cassation
consiste à transposer l’art. 1844-7-5 du C. civ. aux associations. Par cette
transposition, elle en fait un principe général relatif aux groupements de
personnes. En revanche, elle subordonne son succès à deux conditions : le
demandeur doit justifier de la qualité de membre (1) ; en outre il faut
que la mésentente soit de nature à paralyser le fonctionnement de l’association
(2).
1°) La qualité pour agir
75. Au sens de l’art. 1844-7-5 du C. civ. la dissolution
pour justes motifs peut être prononcée « à la demande d’un
associé ».
Cette exigence a toujours été réaffirmée par la jurisprudence en droit des
sociétés[66].
76. Quant aux associations, la jurisprudence n’est guère
florissante. Toutefois, il convient de citer deux arrêts récents qui affirment
cette exigence de qualité. Dans un arrêt du 24 septembre 2002[67], la Cour d’appel de Poitiers a
rejeté la demande en dissolution d’un ancien sociétaire en estimant que ce
dernier n’était pas « recevable à solliciter
en justice la dissolution d’une association dont il a perdu la qualité de
membre ».
Un autre arrêt du 13 mars 2007[68] est particulièrement intéressant.
Dans cette affaire, Mme X avait fait par deux actes (le 4 mars 1974 et le 14
juin 1977) donation à une association d’un nombre important d’immeubles. L’acte
prévoyait qu’en cas de dissolution de l’association, les biens devaient faire
retour à la donatrice et à ses héritiers. Mme X décédée, ses deux filles
demandèrent au tribunal de prononcer la dissolution de l’association pour
illicéité de son objet et subsidiairement la nullité des apports pour défaut de
conformité avec le but poursuivi : Elles furent déboutées. Vingt ans plus
tard, elles ont assigné l’association pour obtenir sa dissolution au visa de
l’art. 1844-7 du C.civ., faute de remplir l’objet pour lequel elle avait été
constituée. La Cour d’appel saisie (Angers, 4 oct. 2005) prononça la
dissolution de l’association. Celle-ci se pourvut alors en cassation sur la
base d’une fausse application de l’art. 1844-7 qui ne peut résulter « d’une
action des tiers » ou « d’une mésentente entre associés paralysant le
fonctionnement de ses membres ». Sur le défaut de qualité, la
Cour estima qu’en tant que fin de non recevoir, elle aurait du être soulevée
devant les juges du fond à peine d’irrecevabilité et a approuvé la
Cour d’appel d’avoir relevé que l’association ne remplissait plus son objet et
prononcer la dissolution.
77. On le voit, la jurisprudence, tend à affirmer comme
en droit des sociétés que cette action n’est réservée qu’aux seuls membres du
groupement. En plus de la qualité, il faut que le sociétaire démontre
l’existence d’une mésentente grave, c'est-à-dire paralysant le fonctionnement
de l’association.
2°) La gravité de la mésentente
78. Cette exigence de gravité de la mésentente ne fait
l’objet d’aucune discussion en droit des sociétés. La société étant un
groupement intéressé, la jurisprudence a toujours hésité à dissoudre une
société économiquement viable, alors que ses membres n’arrivaient plus à
s’entendre. C’est donc l’importance économique des sociétés qui justifie cette
exigence[69]. D’ailleurs, l’appréciation de
cette mésentente relève de l’appréciation souveraine des juges du fond[70]. Cela explique sans doute que la
paralysie soit une exigence dont le contenu variable reste difficile à
démontrer[71].
79. La vocation désintéressée de l’association étant
d’ordre public, peut-on espérer que la mésentente pourra y trouver une
application plus souple ? En d’autres termes le juge prononcera-t-il tout
simplement la dissolution, dès lors que l’affectio
associationis fera
défaut ? Le doute est permis. Pour s’en convaincre, il suffit d’examiner
un attendu de l’arrêt du 24 septembre 2002 : « Attendu
que si le défaut non de vie associative, mais d’affectio associationis peut
entraîner la dissolution d’une association lorsque notamment ce défaut se
manifeste par une mésentente entre associés de nature à paralyser le
fonctionnement de l’association » […]
80. Comme en droit des sociétés, seule la mésentente
grave, c'est-à-dire de nature à paralyser le fonctionnement de l’association,
peut justifier la dissolution d’une association. Dès lors, la jurisprudence
tend à affirmer la dissolution pour justes motifs comme un principe commun de
dissolution des groupements de personnes.
81. Mais doit-on aller au-delà de la seule transposition
de l’art. 1844-7-5 et considérer l’ensemble de l’art. 1844-7 comme un
principe commun ? La réponse à cette question suppose d’examiner les
probabilités de transposition de l’art. 1844-7.
§ 2) Les probabilités de
transposition des autres dispositions de l’art. 1844-7 du Code civil
82. Il convient de distinguer les transpositions
probables (A) de celles qui ne le sont pas (B).
A – Les transpositions probables
83. L’examen des dispositions qui va suivre permet de
rendre compte de la nature contractuelle de l’association. Peuvent alors être
transposées les causes de dissolution issues du droit commun des contrats (1)
et celles résultant de la volonté des associés (2).
1°) Les causes de dissolution issues
du droit commun des contrats
84. Au sens de l’art. 1844-7, la société prend fin
par : l’expiration du temps pour lequel elle a été constituée (1°), par la
réalisation ou extinction de son objet (2°), l’annulation du contrat de société
(3°). Ces causes de dissolution relèvent en fait du droit commun des contrats ;
ce n’est que la traduction des articles 1108 et 1134 du C. civ.
L’association étant un contrat, il ne fait aucun doute
que ces dispositions peuvent lui être transposées. Il en va de même de celles
résultant de la volonté des associés.
2°) Les causes de dissolution
résultant de la volonté des associés
85. L’art. 1844-7 ajoute également en son 4°) que la
société prend fin par dissolution anticipée décidée par les associés. Or,
l’association, et cela vient d’être démontré, est un acte de volonté. Elle peut
donc tout à fait prendre fin par décision unanime des sociétaires.
Toutefois, il est des dispositions dont la
transposition semble improbable.
B – Les transpositions
improbables
86. Si la réunion de toutes les parts en une seule main
n’est une cause de dissolution que dans les groupements intéressés (1), la
jurisprudence a également dû exclure pour les associations la dissolution pour
liquidation judiciaire (2).
1°) La réunion de toutes les parts
sociales entre une seule main
87. Ce cas de dissolution est prévu à l’art. 1844-7-6. La
réunion de toutes les parts en une seule main est une conséquence de la
vocation aux bénéfices de la société. Elle ne saurait être transposée aux
associations qui ne peuvent partager un bénéfice.
En revanche, une association peut parfaitement être
mise en liquidation judiciaire.
2°) La dissolution pour liquidation
judiciaire
88. Par un arrêt du 8 juillet 2003[72] la Cour de cassation a estimé
qu’ « une association ne prenant pas fin par l’effet du
jugement ordonnant la liquidation judiciaire, elle peut valablement, en vertu
de son droit propre, interjeter un appel par l’intermédiaire de son président
pourvu qu’elle le fasse contre le liquidateur ou en sa présence ».
89. Un auteur commentant cet arrêt a parfaitement
démontré les bienfaits de ce refus jurisprudentiel de transposition d’une règle
dont on ne voit guère à quel principe général elle peut être rattachée[73]. Tenant d’ailleurs compte des
difficultés qu’a engendré l’application de cette disposition dans les sociétés[74], le législateur dans la réforme des
procédures collectives[75] a autorisé le maintien exceptionnel
de l’activité.
Conclusion du Chapitre 1
90. Au terme de ce chapitre, il est permis d’affirmer que
l’association est bien un acte de volonté. C’est en fait la conséquence de sa
nature d’acte juridique puisque tous les actes juridiques sont des actes de
volonté. Les manifestations de la volonté se rencontrent ainsi tout au long de
la vie de l’acte et conditionnent même sa survie.
Toutefois, l’association est un acte juridique
particulier en ce sens qu’il crée une organisation.
Chapitre 2 : L’association,
acte d’organisation
91. La notion d’organisation est souvent remplacée par
celle de groupement par les juristes. Au demeurant, il s’agit in
concreto de la même
réalité.
92. Comme le relève Paul Didier[76], il n’est pas aisé de définir la
notion d’organisation mais « il n’est pas superflu cependant
d’esquisser les deux ou trois idées que ce mot tente de réunir ou résumer. La
première est l’idée d’une tâche à réaliser, d’une chose à faire […] Le mot
organisation évoque aussi l’idée d’une division de l’activité envisagée […]
Enfin, le mot organisation implique que ces sous-ensembles de l’activité mère
soient répartis, selon le cas, entre plusieurs moments, lieux ou
personnes ».
93. L’association comme la société rendent bien compte de
cette réalité dans la mesure où dans l’un comme dans l’autre il y a bien une
tâche à réaliser (mise en commun de connaissances, ou d’apports) ; une
division de l’activité envisagée (objet social se divisant en activités
principales et accessoires) ; une répartition des tâches entre plusieurs
moments (durée, exercices), lieux (siège social, filiales, succursales) ou
personnes (membres, organes).
94. Dès lors, il n’est pas étonnant que les juges,
prenant acte de ce phénomène, aient tout simplement appliqué à des
associations, les règles prévues pour les sociétés lorsque cela était
nécessaire. Ces règles concernent tantôt l’organisation du pouvoir (Section 1)
tantôt la possibilité de contester le pouvoir au sein de l’organisation
(Section 2).
Section 1 : L’organisation du
pouvoir
95. Si la création d’une organisation est bien la
caractéristique du contrat d’association, il appartient aussi à ce dernier de
prévoir l’exercice ou la répartition du pouvoir au sein de cette organisation.
Le pouvoir est donc la conséquence de l’animus[77] qui caractérise tout
contrat-organisation.
96. Sans rentrer dans l’étude de la notion de pouvoir, il
revêt deux acceptions : Il peut s’agir d’une « maîtrise
de fait, force, puissance[78] » ou tout simplement d’une « prérogative
juridique[79] ». C’est la deuxième acception qu’il
convient de retenir dans le cadre de ce travail[80].
97. Alors qu’en droit des sociétés, les pouvoirs des
dirigeants sont légalement définis[81], rien de tel n’est prévu dans la
loi de 1901. Dès lors, en raison de la liberté d’association, les parties déterminent
librement l’exercice du pouvoir au sein de l’organisation associative. C’est
ainsi qu’elles déterminent leurs instances sociales[82], mais aussi la répartition du
pouvoir au sein de ces instances[83]. Cela conduit inexorablement à
complexer les tiers qui contractent avec l’association[84].
98. Mais la liberté statutaire n’interdit pas de recourir
aux juges notamment en cas de conflits. Ces derniers, une fois saisis, n’ont
point hésité à recourir au droit des sociétés, soit pour renforcer les pouvoirs
des dirigeants (§1), soit pour organiser la révocation des dirigeants (§2).
§ 1) Le renforcement des pouvoirs
des dirigeants
99. Le renforcement des pouvoirs ne concerne pas tous les
dirigeants d’associations. Certes, la jurisprudence affirme depuis longtemps la
souveraineté de l’assemblée générale même si cela devait aboutir à limiter de
façon drastique les pouvoirs et la liberté d’initiative du président[85].
Aujourd’hui, c’est au président d’association que la
jurisprudence de la Cour de cassation vient d’accorder tous les honneurs, ce
qui va certainement ravir les praticiens[86].
100. Ce renforcement se traduit par une extension des
pouvoirs du président (A), qu’il convient d’évaluer (B) afin d’en tirer les
conséquences.
A – L’extension des pouvoirs du
président d’association
101. L’examen de la jurisprudence permet de se rendre
compte de l’alignement des pouvoirs propres du président d’association sur
ceux du directeur général de la S.A. qui a été réalisé. Cette extension
concerne aussi bien les pouvoirs internes du président (1) que ses pouvoirs
externes (2).
1°) Les pouvoirs internes du
président
102. Au plan interne, l’extension des pouvoirs a été
réalisée par la reconnaissance du pouvoir de prendre des mesures
conservatoires.
« Mais attendu
que dans le silence des textes et des statuts relatifs au fonctionnement d’une
association, il entre dans les attributions de son président de prendre, au nom
et dans l’intérêt de celle-ci, à titre conservatoire et dans l’attente d’une
décision du conseil d’administration statutairement habilité ou de l’assemblée
générale, les mesures urgentes que requièrent les circonstances ; qu’en
effet les dispositions du Code civil, et à défaut du Code de commerce,
régissant les sociétés présentent une vocation subsidiaire d’application ;
qu’en se référant à de telles dispositions, en l’espèce celles de l’alinéa 1er
de l’article L 225-56 du Code de commerce, la Cour d’appel a légalement
justifié sa décision »
104. En l’espèce, M. Kamara, président d’association
reprochant à son secrétaire général et à certains membres de n’avoir pas
respecté ses décisions et d’avoir gravement entravé le fonctionnement du
groupement, les a suspendus de leurs délégations de signature comptable ou de
leur appartenance au bureau du conseil d’administration.
105. En statuant comme elle l’a fait, la Cour a
incontestablement étendu les pouvoirs du président d’association. En effet, en
l’absence de stipulations particulières dans les statuts de l’association, le
président est présumé avoir les pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes
circonstances dans l’intérêt de l’association. C’est ainsi qu’il peut prendre à
titre conservatoire les mesures qu’impose la situation.
106. Il s’agit d’un alignement des pouvoirs du président
d’association sur ceux du directeur général de S.A. En effet, au sens de l’art.
L 225-56, I du C. com. « Le directeur général est
investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au
nom de la société ». Désormais, avec cette décision, il semble que le président d’association
dispose de pouvoirs similaires.
107. Cependant les juges vont beaucoup plus loin dans
cette « extension-alignement »[88], en reconnaissant au président le
pouvoir de licencier un salarié, ce qui relève de ses pouvoirs externes.
2°) Les pouvoirs externes du
président
108. En reconnaissant au président le pouvoir de licencier
un salarié, les juges ont étendu ses pouvoirs externes.
109. Ainsi, dans un arrêt du 25 novembre 2003[89], la Cour de cassation a décidé, par
un attendu qu’il convient de rappeler, qu’un président d’association avait le
pouvoir de licencier un salarié :
« Dès lors qu’il
est établi que les statuts de l’association prévoyaient que le président en est
le représentant légal auprès des tiers pour tous les actes de la vie sociale,
celui-ci est habilité à mettre en œuvre une procédure de licenciement à l’égard
d’un salarié, à défaut d’une disposition spécifique des statuts attribuant
cette compétence à un autre organe ».
110. Cet arrêt reprend une idée qui avait déjà été
exprimée par les juges du fond[90]. Toutefois, en statuant ainsi, les
juges suprêmes reconnaissent au président d’association les mêmes pouvoirs que
ceux du directeur général. En effet, c’est non seulement en sa qualité de chef
d’entreprise[91] mais aussi en sa qualité de
représentant légal que ce dernier s’est vu octroyer par la Loi, le pouvoir de
licencier un salarié.
111. Le pouvoir de licencier, ici octroyé au président
d’association, pose plus largement la question de la représentation de
l’association. Le président d’association serait-il devenu par une « extension-alignement » un directeur général de S.A.
et par la même occasion un représentant légal ? Si oui l’ « extension-alignement » s’est-elle transformée par
un subterfuge encore inconnu en « extension-assimilation [92] »?
112. Pour y répondre, il est nécessaire d’apprécier cette
transposition des pouvoirs.
B – L’appréciation de la transposition
des pouvoirs
113. Dérivant du latin pretium (prix), le verbe apprécier signifie
« déterminer la valeur ou l’importance de[93] » quelque chose ou quelqu’un.
Apprécier la transposition des pouvoirs reviendra donc
à l’évaluer. Pour ce faire, la balance sera faite entre ses mérites (1) et ses
limites (2).
1°) Les mérites de la transposition
114. La transposition opérée a pour mérites de sécuriser
les tiers et de respecter la spécificité du groupement associatif.
115. La situation des tiers qui contractent avec une
association est particulièrement délicate[94]. Face à la diversité des modèles
statutaires[95], les tiers sont tenus de vérifier
la qualité de représentant du dirigeant d’association avec lequel ils
contractent. Faute d’une telle vérification, les restrictions et répartitions
statutaires du pouvoir lui sont opposables[96]. On le voit, les tiers sont
véritablement en disgrâce, faute pour la loi de 1901 d’avoir désigné le représentant
de l’association. Mais en reconnaissant au président d’association le pouvoir
de licencier un salarié parce que les statuts lui conféraient la qualité de
représentant légal, la Cour de cassation a lancé aux tiers une bouée de
sauvetage. Bien plus, en se fondant sur l’art. 1134 du C. civ. pour conférer
aux statuts leur juste force, les juges n’ont pas dénaturé l’association.
116. Dans les deux arrêts sus cités les juges ont pris le
soin de ne point dénaturer l’association en respectant les grands principes du
droit associatif.
Le premier est celui de la liberté statutaire. Les
juges ont reconnu la qualité de représentant légal à un président d’association
parce que les statuts le prévoyaient expressément[97]. C’est donc en interprétant les
statuts, que les juges ont reconnu le pouvoir de licencier un salarié. Quid alors d’un silence total des
statuts ?
En cas de silence des statuts, les juges recourent au
droit des sociétés, qui a une vocation subsidiaire d’application[98]. Même si cette vocation est
critiquable elle n’en demeure pas moins utile : elle permet d’éviter un
vide juridique[99]. C’est en raisonnant ainsi que les
juges ont transposé l’art. L 255-56 du C. com.
Le second principe est celui de la souveraineté de l’assemblée
générale[100]. Les juges ne s’en sont pas
démarqués. En effet, si le président d’association dispose des pouvoirs les
plus étendus pour prendre, dans l’intérêt de l’association, les mesures
urgentes que requièrent les circonstances, il ne s’agit que de mesures
conservatoires dans l’attente d’une décision du conseil
d’administration et de l’assemblée générale.
117. Cette transposition a bien des mérites, toutefois,
elle doit être relativisée car elle réalise une assimilation délicate entre les
pouvoirs du directeur général de S.A. et le président d’association.
2°) Les limites de la transposition
118. Alors que le directeur général de S.A. est un
représentant légal qui tire ses pouvoirs de la Loi, le président d’association
est bien un mandataire. Même s’il a parfois été avancé la thèse selon laquelle
le président d’association serait un représentant légal, soit pour justifier la
responsabilité de l’association du fait de ses dirigeants[101], soit pour empêcher la révocation « ad
nutum »[102] elle n’est pas fondée[103].
119. Toutefois, la transposition de l’art. L 255-56 conçu
pour un représentant légal et son application au président d’association
mandataire conventionnel laisse planer des doutes quant à l’avenir de cette
décision.
120. En effet, cette confusion de qualité pourrait
emporter des conséquences pratiques qu’il convient d’observer. Les qualités de
mandataire et de représentant légal ne produisent pas les mêmes effets.
A l’égard de l’association, en tant que
mandataire conventionnel, le président d’association n’engage celle-ci que dans
les limites de son mandat. Il ne peut la représenter en justice que sur
habilitation spéciale. La situation n’est pas la même pour le directeur général,
qui représente la société à l’égard des tiers, signe les contrats au nom de
celle-ci, passe les commandes, assure les biens sociaux, agit en justice…[104]
A l’égard des tiers, alors que les limitations
statutaires des pouvoirs du directeur général sont inopposables aux tiers même
de mauvaise foi[105], il n’en est pas de même dans les
associations. Contractant avec un mandataire, les tiers sont tenus de vérifier
au moins le principe de ses pouvoirs[106], ce qui revient au final à en
vérifier l’étendue. En l’absence d’une telle vérification, les limitations
statutaires lui seront opposables sauf démonstration de la théorie du mandat
apparent[107].
121. La distinction des qualités de mandataire et de représentant
légal est particulièrement importante dans la mesure où elle pose des problèmes
pratiques. Le président d’association doit être considéré comme un mandataire
conventionnel avec toutes les conséquences que cela implique. Son assimilation
à un représentant légal quant à elle, ne devrait être justifiée que par les
statuts. La vocation subsidiaire du droit des sociétés, même si elle est utile,
ne doit pas dénaturer l’association. Et c’est là le mérite des arrêts sus
étudiés.
122. Mais, la jurisprudence organise aussi de manière
cohérente le pouvoir au travers de la révocation des dirigeants.
§ 2) La révocation des dirigeants
123. La jurisprudence[108] et une grande partie de la doctrine[109] considèrent que les dirigeants d’association
sont des mandataires. Dès lors, par application des dispositions du Code civil,
le mandat prend fin par « la révocation du mandataire » (art. 2003) et « le
mandant peut révoquer sa procuration quand bon lui semble » (art. 2004). Cela signifie que le
mandat est révocable « ad nutum », sans préavis, motifs et indemnités. Cette
situation fait penser à celle de certains dirigeants de sociétés[110]. Mais il semble que le parallèle
doive s’arrêter là, puisque les fondements des pouvoirs ne sont pas les mêmes[111].
124. En tant que mandataires, la révocation des dirigeants
d’associations doit-elle survenir au cours d’une réunion de l’assemblée
générale alors qu’elle n’était pas inscrite à l’ordre du jour ?
125. En transposant le principe de l’incident de séance
aux associations, la jurisprudence semble y répondre de façon positive. Cette
prise en compte de l’incident de séance (A), si elle est justifiée, doit
cependant être relativisée (B).
A – La prise en compte de l’incident
de séance
126. Le principe de l’incident de séance est prévu à
l’art. L 225-105 du Code de commerce qui dispose que : « L’assemblée
ne peut délibérer sur une question qui n’est pas inscrite à l’ordre du jour.
Néanmoins, elle peut en toutes circonstances, révoquer un ou plusieurs
administrateurs ou membres du conseil de surveillance et procéder à leur
remplacement ». La loi de
1901 n’ayant pas envisagé cette situation, les juges ont transposé par trois
arrêts[112] ces dispositions à des
associations.
127. En statuant ainsi, les juges semblent faire de
l’incident de séance un principe de droit commun des groupements (2) qu’ils
soumettent cependant à certaines conditions (1).
1°) Les conditions de l’incident de
séance
128. Bien que le débat ne relève que de la théorie[113], il semble que la jurisprudence
n’admette pas aussi facilement, en droit des associations, l’incident de
séance. Il convient peut-être de rappeler qu’en droit des sociétés, on l’admet
« en toutes circonstances[114] ». En revanche, s’agissant des
associations, l’examen de la jurisprudence le soumet à certaines exigences. Peu
importe toutefois la nature de l’assemblée générale au cours de laquelle il est
apparu[115].
C’est ainsi que dans l’arrêt de 1970[116], elle exige pour admettre la
révocation sur incident de séance « des révélations
inattendues d’une telle gravité qu’il était impossible aux membres de
l’association de conserver leur confiance au comité de direction » ; dans l’arrêt du
TGI de 1987[117] les juges admirent des incidents
ayant conduit à « une situation irrémédiable ».
129. En revanche, dans l’arrêt de 1994[118], les juges se sont tout simplement
bornés à transposer l’art. 160 de la loi de 1966 (art. L 225-105 du Code de commerce)
sans aucune exigence particulière. Et en cela, ils l’affirment comme un
principe commun des groupements.
2°) L’incident de séance :
principe commun des groupements
130. Considérer l’incident de séance comme un principe
commun de tous les groupements revient à reconnaître l’existence de paralysie
au sein de ceux-ci et la nécessité d’y remédier. En effet, dans un groupement
de personnes, la révocation sur incident de séance permet d’éviter le maintien
d’un dirigeant indésirable pour des raisons formelles. Même si l’exigence de
formalité (en l’occurrence que l’assemblée générale ne délibère que sur les
points inscrits à l’ordre du jour) permet de lutter contre les révocations
abusives, elle ne saurait empêcher la révocation d’un dirigeant qui peut toujours
résulter d’un incident de séance.
131. Toutefois, si le maintien de ce principe a pu être
discuté[119] c’est davantage sa réelle
utilité pour les associations qu’il convient d’examiner au travers de la
relativité de cette prise en compte.
B – La relativité de cette prise en
compte
132. La prise en compte de l’incident de séance en droit
des associations revêt une portée relative car elle nous semble inutile (2)
dans la mesure où elle n’est qu’une modalité de la révocation ad nutum des
dirigeants d’associations (1).
1°) L’incident de séance : Une
modalité de révocation ad nutum
133. Les dirigeants d’association, cela a déjà été évoqué,
sont révocables ad nutum[120]. Ce n’est qu’une simple application
de l’art. 2004 du C. civ.[121]
Par conséquent, n’est-il pas normal que leur
révocation puisse résulter d’une décision de l’assemblée alors même qu’elle
n’était pas inscrite à l’ordre du jour ? Et finalement « l’incident
de séance » ne
serait-il pas exigé qu’aux fins de lutter contre l’arbitraire dans les
révocations ?
Il semble évident de répondre par l’affirmative. En
effet, si le mandant peut révoquer sa procuration « quand
bon lui semble », il ne
faudrait pas qu’il en abuse. C’est pourquoi, la révocation doit être au moins
inscrite à l’ordre du jour. Et si l’on y déroge, il faut au moins que cela soit
justifié par des incidents de séance.
Dès lors, il convient peut-être de parler de révocation ad nutum sur incident de séance[122] en droit associatif.
134. En cela, le recours au droit des sociétés, dans ce
cas, semble inutile.
2°) L’inutilité de la transposition
135. Comme l’a si bien démontré un auteur[123], le recours au principe de
l’incident de séance via l’art. L 225-105 pour justifier la révocation d’un
dirigeant d’association est inutile. Dans la mesure où il est révocable ad
nutum, plutôt que le droit des sociétés commerciales, le juge n’aurait-il pas
pu invoquer la théorie du mandat, beaucoup plus générale ? [124]. Ce qui aurait conduit à admettre
la révocation ad nutum du dirigeant d’association sans avoir à en justifier les
motifs, quitte à l’indemniser si cette révocation s’avère a posteriori
injustifiée et lui a causé un préjudice moral[125].
136. Même si la transposition de la théorie des incidents
de séances semble inutile pour justifier la révocation des dirigeants
d’associations, elle constitue néanmoins un moyen par lequel les juges
participent a posteriori à l’organisation du pouvoir.
137. Mais beaucoup plus que l’organisation du pouvoir, les
juges reconnaissent également la possibilité de contester le pouvoir au sein de
l’organisation.
Section 2 : La possibilité
de contester le pouvoir au sein de l’organisation
138. La jurisprudence reconnaît également, la possibilité
de contester le pouvoir au sein de l’organisation. On l’a déjà démontré, les
statuts organisent librement la répartition des pouvoirs au sein d’organes. Il
peut s’agir du président mais aussi de l’assemblée générale par laquelle est
assurée l’expression collective.
139. Les décisions des assemblées sont alors des actes
juridiques collectifs[126] en ce qu’ils engagent même ceux qui
n’y ont pas consenti. C’est ce qui justifie la règle de la majorité dans tout
contrat-organisation.
Au nom de cette règle, les décisions prises par
l’assemblée engagent même les membres qui ne les ont pas votées. Certes il
existe des exceptions à ce quorum, notamment, lorsque des décisions viennent augmenter
les engagements des membres, la règle devient alors l’unanimité.
140. Mais la vérité de Montesquieu[127] rattrape souvent trop vite les
sociétaires. En effet, les abus font souvent leur apparition dans un monde où
on ne les attendait pas. Que peuvent donc faire les sociétaires, si ce n’est
recourir aux juges ?
Ces derniers une fois saisis n’ont pas hésité à
appliquer un mécanisme classique du droit des contrats : L’abus de droit
(§1) qu’ils assortissent de sanctions (§2)
§ 1) L’abus de droit
141. L’abus de droit est une notion civiliste reçue du
droit romain. D’abord élaborée en droit de la propriété, elle s’est
progressivement étendue à toutes les branches du droit. Après de longues
querelles doctrinales, un auteur[128] a su se distinguer en démontrant
l’existence de l’abus dans la conscience juridique. Il va ainsi distinguer
quatre critères possibles de l’abus : L’intention de nuire (critère
intentionnel), la faute dans l’exécution (critère technique), le défaut
d’intérêt légitime (critère économique) et le fait de détourner le droit de sa
fonction sociale (critère social ou finaliste)[129].
142. Le droit des sociétés n’a pas échappé à l’abus de
droit : les abus de majorité, de minorité et d’égalité, les abus de la
personne morale…sont autant de manifestations de l’abus en droit des sociétés.
D’ailleurs, Josserand n’écrivait-il pas « La vie des
sociétés, donne matière, elle aussi, à l’application de la théorie de l’abus […][130] » ?
143. En droit des associations, dans le silence de la loi
de 1901, les juges ont reconnu à un sociétaire la possibilité d’invoquer l’abus
de majorité (A). Cela amène à réfléchir pour l’avenir aux autres abus du droit
de vote (B).
A – L’abus de majorité
144. Comme en droit des sociétés, l’abus de majorité en
droit des associations est le fruit de la jurisprudence[131]. La spécificité de
l’association va-t-elle exiger une application particulière de cet abus ?
145. Pour y répondre, il convient de présenter les
éléments constitutifs de cet abus en droit associatif (1) puis d’envisager
l’éventualité de son établissement en tant que principe commun des groupements
(2).
1°) Les éléments constitutifs
146. En droit des sociétés, « l’abus
de majorité implique la réunion de deux éléments : La violation de
l’intérêt social et la rupture d’égalité entre les associés[132] […] ». Il ne s’agit pas
« […] d’un contrôle d’opportunité mais d’un contrôle de
légalité car il s’agit de rechercher si la décision inopportune est destinée à
rompre l’égalité entre associés, c'est-à-dire la communauté d’intérêts qui doit
exister entre eux en application de l’art. 1833 du Code civil [133]».
147. En droit des associations, il n’existe pas d’art.
1833 du C. civ. et pourtant l’abus de majorité y a trouvé son application. En
l’espèce, la Cour de cassation a approuvé une Cour d’appel d’avoir retenu que
la résolution prise dans l’unique dessein de favoriser des membres majoritaires
d’une association porte atteinte à l’intérêt collectif de sorte qu’elle
pourrait être annulée pour abus de majorité. Pour retenir une telle solution,
la Cour d’appel a pris le soin de souligner que les statuts de l’association
lui assignaient le but « de travailler à la
défense des intérêts communs à ses membres », ce que les juges suprêmes ne
manquent pas de relever.
148. Partant de là, on aurait donc trois éléments
constitutifs de l’abus de majorité en droit des associations : La
violation de l’intérêt social (entendu comme intérêt commun des
associés/sociétaires) ; la rupture d’égalité et la
mention expresse dans les statuts de l’intérêt commun.
149. En effet, la Cour aurait-elle statué pareillement si
les statuts n’avaient pas rendu comme en l’espèce un « hommage
à l’intérêt commun[134]» ? La réponse à cette question
amène à envisager l’éventualité d’un principe commun.
2°) L’éventualité d’un principe
commun
150. Une lecture furtive de l’arrêt du 4 avril 2006
pourrait signer la mort de la possibilité d’établissement de l’abus de majorité
en tant que principe commun des groupements. On pourrait
penser, s’agissant des associations qu’il faut une mention expresse des
statuts faisant référence à l’intérêt commun. Une mention qui serait en fait le
fondement de l’abus semblable à l’art. 1833 du C. civ. pour les sociétés. Ce
qui reviendrait au final à dire que faute d’une référence statutaire ou légale
à l’intérêt commun, l’abus de majorité ne saurait être appliqué à un
groupement.
151. Une telle analyse paraît trop simpliste pour
plusieurs raisons.
L’abus de majorité a été appliqué aux sociétés bien
avant la rédaction de l’art. 1833 du C. civ. Il ne s’agit ni plus ni moins
d’une transposition de la notion civiliste de l’abus de droit avec certains
nuances. Dans son ouvrage, Josserand[135] écrivait déjà que la vie des
sociétés « doit s’orienter et se poursuivre socialement, en
conformité du statut et du jus fraternitatis, de l’affectio societatis, sinon,
les manifestations en seront abusives […] ».
Or dans tout groupement de personnes, tel
l’association ou la société ne retrouve-t-on pas cette volonté commune, cet affectio? Tout groupement n’est-il pas
constitué dans l’intérêt commun de ses membres, peu importe que les statuts le
précisent ou non? N’est ce pas la particularité de tout
contrat-organisation ?
152. Il semble qu’on ne puisse que répondre par
l’affirmative à toutes ces interrogations. Dès lors, la construction de l’abus
de majorité pourrait tout à fait trouver à s’appliquer dans tout groupement de
personnes, dès lors qu’une décision favorable aux majoritaires est prise dans
l’unique dessein de porter atteinte aux minoritaires. Une telle décision rompt
l’égalité entre associés et est contraire à leur intérêt commun.
153. L’abus de majorité peut donc être considéré comme un
principe commun à tous les groupements de personnes[136]. Cela conduit à examiner le cas des
autres abus du droit de vote.
B – Les autres abus du droit de
vote
154. Par autres « abus du droit de vote[137] » il convient d’envisager
l’abus de minorité et sa variante, l’abus d’égalité[138]. S’ils ont trouvé application en
droit des sociétés, la jurisprudence ne s’est pas encore prononcée sur ces
questions en droit des associations. D’ailleurs devrait-elle le faire ? La
transposition de l’abus de majorité implique-t-elle pour l’avenir celle des
autres abus du droit de vote ?
155. S’il existe des obstacles à leur transposition (1),
il reste encore des raisons d’espérer (2)
1°) Les obstacles à la transposition
156. Au plan politique, les nombreuses atteintes à la
démocratie dans les associations permettent –elles d’envisager une « tyrannie
des faibles[139] » ?
157. En effet, les nombreux obstacles au droit de vote en
droit des associations ne permettent peut-être pas d’envisager que des
minoritaires puissent constituer un « blocage » suffisant à empêcher
la prise d’une décision importante.
158. D’après M. Guyon[140], contrairement à ce qu’on pense,
les associations sont en réalité des gouvernements très autocratiques. La loi
de 1901 ne reconnaît en réalité aucun droit aux membres de l’association
susceptible de garantir le fonctionnement démocratique de la collectivité.
158-1. A l’image de M. Guyon, on pourrait signaler
qu’une démocratie suppose que les citoyens soient bien informés, qu’ils
puissent choisir leurs représentants, participer aux décisions collectives et
qu’enfin les citoyens les plus défavorisés soient protégés.
158-2. Alors qu’en droit des sociétés le droit à
l’information est un attribut essentiel de l’associé, il n’est pas prévu par la
loi de 1901. En droit des associations, la communication par avance des
rapports (financier et moral) aux sociétaires n’est pas exigée. Très souvent
ceux-ci découvrent en séance des documents d’interprétation complexes. Par
ailleurs, la présence de commissaires aux comptes n’est pas exigée par la loi
de 1901.
158-3. S’agissant du droit de vote, les sociétaires n’ont
pas toujours le droit de participer aux assemblées et d’y voter. La liberté
statutaire permet une hiérarchisation des membres aux statuts et droits de
votes différents (droit de proposition, droit de veto, droit de vote plural…).
158-4. Enfin, outre le droit de retrait lorsque
l’association est constituée sans limitation de durée (art. 4 de la loi de
1901), aucune mesure de protection des sociétaires minoritaires n’est prévue en
droit des associations. Comme le précise le Professeur Guyon : « sauf
stipulation contraire des statuts, les sociétaires ne peuvent ni provoquer la
réunion d’une AG ni demander l’inscription d’une question à l’ordre du jour.
Ils ne peuvent pas non plus demander une expertise de gestion […] Enfin
en cas de faute des dirigeants, la jurisprudence[141] ne leur reconnaît pas
le droit d’exercer l’action sociale ut singuli [142]»
159. Au plan technique, l’abus de minorité n’est retenu en
droit des sociétés que dans des hypothèses strictes. Il s’agit pour la plupart
du temps des décisions relatives au capital social[143]. Or l’association, n’a pas de
capital social car elle n’a pas vocation à réaliser des bénéfices.
160. Malgré ces obstacles, il subsiste tout de même des
raisons d’espérer.
2°) Les raisons d’espérer
161. L’abus de minorité reste une hypothèse difficilement
vérifiable en droit des associations. Il n’en est pas de même de l’abus
d’égalité.
162. En effet, on pourrait tout à fait imaginer le schéma
suivant : Une association composée de deux membres disposant d’un droit de
vote s’exerçant à travers la règle de l’unanimité. Un sociétaire pourrait alors
utiliser son droit de veto de manière abusive c'est-à-dire dans l’unique
dessein d’empêcher une décision nécessaire au fonctionnement de l’association.
Il y’aurait alors atteinte à l’intérêt commun.
163. Toutefois, même si l’abus d’égalité pourrait trouver
à s’appliquer il ne sera pas d’un grand intérêt. En effet, les sociétaires
pourront toujours, dans ce cas, demander en justice la dissolution pour
mésintelligence[144].
Reste maintenant à envisager les sanctions de l’abus.
§ 2) Les sanctions de l’abus
164. Selon Josserand, les manifestations abusives du droit
des sociétés « détermineront les sanctions habituelles :
condamnation à des dommages-intérêts, nullité[145] ».
165. Les fondements de ces actions sont différents[146], et la jurisprudence commerciale
n’hésite pas appliquer l’un ou l’autre selon les cas.
166. En droit des associations, le seul arrêt connu à ce
jour a fait la part belle à la nullité. C’est pour cette raison qu’elle sera,
seule envisagée dans cette étude. Pour ce faire seront successivement étudiés
le régime de l’action en nullité (A) puis ses effets (B).
A – Le régime de l’action en
nullité
167. Seront successivement étudiées la qualité pour agir
(1) et la prescription de l’action (2).
1°) La qualité pour agir
168. En droit des sociétés, la qualité pour agir est
sujette à de nombreux obstacles[147] tenant à la question de la détermination
des personnes susceptibles d’invoquer la nullité d’une décision sociale.
169. Il n’en est pas de même en droit des associations où
tout membre, qui estime qu’une assemblée générale a été irrégulière, a le droit
de se pourvoir en justice devant le TGI[148] pour faire annuler les décisions
prises[149]. Toutefois, il n’a pas le droit de
convoquer une nouvelle assemblée générale avant que la justice n’ait annulé l’assemblée
antérieure.
170. N’ont donc pas qualité pour agir[150] le membre exclu, à moins que son
exclusion soit irrégulière[151], et a
fortiori la personne
qui n’est pas membre de l’association[152].
171. Dès lors, doit être examinée la question de la
prescription de l’action en nullité.
2°) La prescription de l’action
172. Le délai de prescription est celui des nullités
relatives prévu à l’article 1304 du Code civil et fixé à 5 ans à compter du
jour où la nullité est encourue (à compter de la date de réunion des
assemblées). L’expiration du délai de prescription de cet article rend les
délibérations définitives[153].
173. Néanmoins, une fois le délai de prescription expiré,
il reste possible d’invoquer l’exception de nullité qui, elle, est perpétuelle.
174. Le régime de l’action en nullité en droit des
associations semble plus souple que celui du droit des sociétés, ce qui traduit
une certaine opposition entre les deux groupements. Cette opposition se
retrouve également au niveau des effets de la nullité.
B – Les effets de la nullité
175. L’opposition se manifeste par l’application du
principe de rétroactivité des nullités en droit des associations. En effet, le
prononcé de la nullité d’une délibération anéantit rétroactivement l’assemblée
générale qui est censée n’avoir jamais eu lieu ; et les sociétaires
doivent être remis dans la situation où ils étaient avant l’assemblée.
176. Mais dans un arrêt récent, la Cour de cassation[154] a considéré que l’annulation d’une
délibération d’assemblée générale d’association n’avait pas d’effet rétroactif.
Les juges suprêmes ont-ils voulu faire de la non-rétroactivité des nullités un
principe commun des groupements ? Il convient de répondre par la négative
car cette transposition est illogique (1) et isolée (2).
1°) L’illogisme de la transposition
177. Dans l’arrêt du 19 novembre 1991, la Cour de
cassation affirme : « à défaut de
stipulation législative, réglementaire ou statutaire contraire, l’annulation
d’une délibération prise par l’assemblée générale d’une association régie par
la loi du 1er juillet 1901 ne peut avoir d’effet rétroactif ». En statuant ainsi les juges
ont adopté une position de principe qui semble aligner le régime de la nullité
en droit associatif sur celui du droit des sociétés, ce qui conduirait
inexorablement à considérer l’article 1844-15 C.civ. comme principe du droit
commun des groupements.
178. Pourtant, en droit des sociétés il existe bien une
exception au principe posé par l’article 1844-15 C.civ. : la nullité d’une
délibération sociale, contrairement à celle de la société, est rétroactive.
C’est donc en exception à l’exception prévue en droit des sociétés que la Cour
de cassation a rendu cette décision en droit des associations. Il serait donc
illogique de penser qu’elle se fonde sur le principe du droit des sociétés.
179. D’ailleurs l’arrêt lui-même ne fait aucune référence
au droit des sociétés et repose plutôt sur des arguments d’équité :
« la vie associative qui existait avant les assemblées
générales s’est poursuivie, … et les membres qui avaient adhéré au comité de
soutien postérieurement à celles-ci et qui paient leur cotisations ne sauraient
se voir écartés de la constitution du bureau au profit de personnes qui étaient
membres du comité en 1984, et dont certaines ont pu, depuis lors, se
désintéresser de l’association ».
180. Cette jurisprudence ne permet donc pas d’affirmer que
la non-rétroactivité est devenu un principe commun du droit des groupements, et
ce d’autant plus qu’il s’agit d’une décision isolée.
2°) L’isolement de la transposition
181. La Cour de cassation tient à conserver l’originalité
du droit associatif. S’agissant particulièrement de la nullité, elle a décidé,
dans un arrêt du 27 juin 2000[155], que : « la
nullité de la délibération d’une assemblée générale d’association résulte du
seul fait que cette assemblée n’a pas respecté les règles statutaires relatives
aux modalités de vote ». En
statuant ainsi, la Cour rejette la théorie dite du vote utile qui prévaut en
droit des sociétés. La nullité d’une délibération irrégulière est indépendante
de l’absence d’incidence de l’irrégularité. Le non-respect des dispositions
statutaires suffit à obtenir l’annulation de la délibération prise par
l’assemblée générale. La solution s’impose au sein des groupements contractuels[156].
182. Cet arrêt vient confirmer l’isolement de la décision
du 19 novembre 1991.
Conclusion du Chapitre 2
183. Au final, l’association est bien un acte
d’organisation. Les parties organisent librement la répartition des pouvoirs.
Toutefois, en cas de conflits, et de carence des statuts, les juges n’hésitent
pas à appliquer les règles du droit des sociétés. En le faisant, ils
participent a posteriori à l’organisation du pouvoir et à l’organisation des
moyens de contestation du pouvoir.
Conclusion du Titre 1
184. L’association est bien un acte juridique : son
fonctionnement, comme sa disparition sont régis par l’acte juridique qui l’a
créé. L’examen de la transposition jurisprudentielle, au regard de la théorie
de l’acte juridique n’est pas vain. Elle permet de faire apparaître derrière la
« mystique théorie institutionnelle [157]», que la société est bien comme
l’association, un acte juridique. Dès lors, l’application du droit des
sociétés aux associations permet de démontrer que les règles transposées sont
en réalité des principes issus pour la plupart de la construction de l’acte
juridique : L’intangibilité des engagements, la dissolution pour justes
motifs, la révocabilité ad nutum des mandats, l’abus de majorité…
185. Toutefois l’association n’est pas qu’un acte
juridique, elle peut devenir, comme la société une personne morale.
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