DROIT, SCIENCES SOCIALES ET POLITIQUES
SCIENCES ECONOMIQUES ET DE GESTION
L’APPLICATION DU DROIT DES SOCIETES AUX ASSOCIATIONS
Présenté par
Jacques - Brice MOMNOUGUI
Mémoire pour l’obtention du Master II Droit privé
fondamental : Dominante Droit des affaires
Sous la direction de Mme Florence Deboissy
Professeur à l’Université Montesquieu – Bordeaux IV
Année Universitaire 2006 – 2007
Liste des abréviations
AJ Actualité
Juridique
Al.
Alinéa
Art.
Article
Ass. Plén. Assemblée plénière
Bull. Bulletin
des arrêts de la Cour de cassation
BODACC Bulletin
officiel des annonces civiles et commerciales
Bull.
Joly Bulletin
Joly
Cass.
civ. Cour
de cassation, chambre civile
Cass.
com. Cour
de cassation, chambre commerciale
Cass.
soc. Cour
de cassation, chambre sociale
C.
Code
C.
ass. Cour
d’assises
C.
civ. Code
civil
C.
com. Code
de commerce
C.
trav. Code
du travail
Chap. Chapitre
Chron. Chronique
Concl. Conclusions
D. Recueil
Dalloz
Décr. Décret
Gaz.
Pal. Gazette
du Palais
JCP Juris-Classeur
périodique (Semaine juridique)
JO Journal
officiel
J.-Cl.
Soc. Juris-Classeur
Sociétés
L. Loi
NCPC Nouveau
Code de procédure civile
Op.
cit. Ouvrage
déjà cité
Ord. Ordonnance
Rev.
Sociétés Revue
des sociétés
RJ com. Revue
de jurisprudence commerciale
RTD
Civ. Revue
trimestrielle de droit civil
RTD
Com. Revue
trimestrielle de droit commercial
SOMMAIRE
TITRE I : L’application du droit des sociétés à
l’association acte juridique
CHAPITRE 1 : L’ASSOCIATION, ACTE DE VOLONTE
Section 1 : La volonté, condition de validité des
décisions modificatrices des statuts
Section 2 : La volonté, condition de survie de
l’acte
CHAPITRE 2 : L’ASSOCIATION, ACTE D’ORGANISATION
Section 1 : L’organisation du pouvoir
Section 2 : La possibilité de contester le
pouvoir au sein de l’organisation
TITRE II : L’application du droit des sociétés à l’association
personne morale
CHAPITRE 1 : LES EFFETS LIES A LA
PERSONNIFICATION DE L’ASSOCIATION
Section 1 : L’effet sur la constitution de
l’association : La reprise des engagements
Section 2 : L’effet sur la disparition de
l’association : La survie de la personnalité juridique pour les besoins de la
liquidation
CHAPITRE 2 : LA RESPONSABILITE CIVILE DES
DIRIGEANTS DE L’ASSOCIATION PERSONNIFIEE
Section 1 : La déresponsabilisation de fait des
dirigeants de l’association à l’égard des sociétaires
Section 2 : La déresponsabilisation de fait des
dirigeants de l’association à l’égard des tiers
INTRODUCTION
GENERALE
1. « La loi du 1er juillet 1901 relative au contrat
d’association ne fait aucune référence au droit des sociétés dont il
puisse résulter que des règles applicables au droit des sociétés soient
transposables aux associations »[1] .
De prime abord, il serait tentant d’accorder du crédit
à cette réponse ministérielle dans la mesure où, l’une des spécificités du
droit privé français est la diversité de ses groupements.
2. Cette caractéristique est en fait une richesse[2] puisque, en fonction des buts poursuivis par les
fondateurs, ceux-ci peuvent librement se doter d’une structure appropriée.
Ainsi, lorsque le but est de partager les
bénéfices ou profiter d’une économie, les fondateurs feront le choix de la
société puisqu’elle est «instituée par
deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une
entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le
bénéfice ou profiter de l’économie qui pourra en résulter » au sens de l’Art.1832 al.1er du
Code civil.
Quant à l’association, elle sera choisie par ceux dont
le but n’est pas le partage de bénéfices. L’Art.1er de la loi
de 1901 dispose en effet que : « L’association est la
convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une
façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que
de partager des bénéfices. Elle est régie quant à sa validité, par
les principes généraux du droit applicable aux contrats et
obligations ».
3. Il s’en suit donc que l’association n’est pas la société, et la société
n’est pas l’association. Plus radicalement encore, il semble que l’association
se situe à l’opposé de la société. Cette opposition a été voulue par le
législateur en 1901. En effet, à la lecture des travaux préparatoires de
la loi de 1901 il ressort clairement que les parlementaires ont conçu
l’association comme se situant à l’opposé le plus extrême de la société,
puisque ils sont partis de la définition de la société pour retenir une
définition exactement contraire de l’association[3].
4. Partant de là, plusieurs arguments ont été avancés pour critiquer
l’application par les juges du droit des sociétés aux associations.
Il a d’abord été soutenu, que cette application ne
serait que la résultante d’un certain laxisme des juges qui au lieu
d’interpréter le contrat d’association, cèdent par facilité à la transposition
des règles du droit des sociétés.
Il a aussi été soutenu que la transposition
jurisprudentielle constituait une atteinte à la liberté contractuelle et une
violation de l’art. 1er de la loi de 1901.
Il a enfin été avancé que cette transposition visait à
faire de l’association une société, ce qui consisterait en fait à la dénaturer.
5. Ces fortes critiques peuvent toutes se résumer en une seule :
L’opposition radicale entre l’association et la société. Cette opposition peut
cependant être relativisée. En effet, d’une part, il existe des points de
rencontre entre elles[4] et d’autre part, elles peuvent entrer en concurrence[5].
6. De même, doit être relativisée la réponse ministérielle du 10 décembre
1984[6] puisque les juges continuent d’appliquer le droit des
sociétés à des associations. Ceci revient à considérer comme nulle la valeur
juridique d’une réponse ministérielle.
7. Au demeurant, cette transposition jurisprudentielle qui a commencé
timidement dans les années 60 du siècle dernier, est devenu au cours de ces
dernières années[7], par la profusion des arrêts, un véritable phénomène.
De plus, la jurisprudence tend aujourd’hui à construire ce qui constituerait
peut-être le « droit commun des groupements » que beaucoup appellent
de leurs vœux[8].
8. Partant de là cette transposition peut être justifiée aux plans
politique et technique.
Au plan politique, la loi de 1901, qui a institué la
liberté d’association exhibe de nombreuses carences. Fière de ses 18 articles[9], elle ne dit mot sur l’organisation du groupement
associatif, qu’elle abandonne aux fondateurs. Ce dessaisissement du législateur
qui a été qualifié « de principe de liberté statutaire » aboutit en
fait à un libertinage dangereux tant pour les sociétaires[10] que pour les tiers[11].
Au plan technique, il n’y a pas de déni de justice[12], le référé législatif[13] n’existe plus, donc les juges ne
peuvent que statuer. Par ailleurs, le droit des sociétés s’est beaucoup
développé, à la différence du droit associatif.
Par droit des sociétés aujourd’hui, il faut entendre
le Code civil[14], le Code de commerce[15], le Code Monétaire et Financier[16] et des lois non codifiées[17]. Le droit des associations quant à
lui est issu pour l’essentiel de la loi de 1901 et son décret d’application du
16 août 1901, du Code civil par renvoi[18], du Code de commerce[19], de certaines lois non codifiées[20] et de nombreux textes dérogatoires
au droit commun[21]. Le droit associatif est donc aussi
vaste que le droit des sociétés, avec cette différence que la loi de 1901 qui
constitue le socle du droit commun des associations n’a fait l’objet que de
timides retouches. Le contrat d’association, tel qu’il résulte de cette Loi,
n’a jamais été modifié à la différence du contrat de société.
Et si on a pu plaider pour le maintien tel quel de
cette Loi[22], c’est en réalité parce qu’elle a
répondu à un vœu séculaire, voire millénaire : La liberté d’association.
Mais en réalité, le constat généralement opéré est de parler de
« carences » du droit associatif, face aux « excès » du
droit des sociétés.
9. Le recours au droit des sociétés opéré par les juges
saisis est donc justifié. Bien plus, il est nécessaire car il permet de combler
le vide juridique laissé par la loi de 1901. La méthode utilisée est le
raisonnement a pari ou par analogie. Il s’agit d’une méthode exégétique
d’interprétation de la Loi qui consiste pour le juge à remonter à la ratio
legis,
c'est-à-dire à l’esprit du législateur pour appliquer dans le silence d’une Loi
d’autres règles issues d’autres Lois et dont le but est de régir la même
situation.
10. Si les juges raisonnent a pari c’est qu’ils considèrent que les
solutions du droit des sociétés sont transposables aux associations. Ils
affirment donc de manière indirecte qu’il s’agit de deux choses du même genre.
Le législateur semble raisonner pareillement lorsqu’il réunit l’association et
la société à travers le droit commun de l’entreprise[23].
11. Si l’application du droit des sociétés aux associations
aboutit à réunir deux groupements que tout opposait, il ne faudrait pas qu’on
en arrive à les confondre. Il importe donc de vérifier que les juges ont bien
respecté cette exigence. Encore faut-il rechercher au préalable les fondements
de cette transposition. Pour ce faire, il convient de se demander :
quelles sont les fondements des règles juridiques qui sont transposées ?
Quelle est la portée de cette transposition ?
12. L’application du droit des sociétés aux associations
présente des intérêts pratique et théorique.
D’un point de vue pratique, d’une part, le rôle des
associations dans la vie publique et sociale s’est fortement accru : des
associations caritatives, cultuelles, intellectuelles aux associations de
consommateurs, raciales, de défense des sans-papiers. Les associations sont
partout et naissent chaque jour. Ce phénomène associatif[24] a provoqué l’institution du CNVA[25] qui est chargé d’étudier et de
suivre l’ensemble des questions intéressant la vie associative, de donner son
avis sur les projets de textes législatifs ou réglementaires et proposer les
mesures utiles au développement de la vie associative[26]. D’autre part, il s’agit aussi de
savoir si au fur et à mesure des transpositions, l’association serait devenue
une société.
D’un point de vue théorique, l’application du droit
des sociétés aux associations a suscités en doctrine, un vif débat quant aux
règles qu’il fallait transposer pour éviter de dénaturer l’association. Il a
ainsi été proposé de se fonder soit sur des « règles techniques »
soit sur des règles issues des « principes communs des personnes
morales » ou des « principes communs des groupements ».
Si le fondement des « règles techniques »
semble délicat dans sa mise en œuvre[27], il n’est pas superflu d’imaginer
les principes communs des groupements ou des personnes morales. Les deux
qualificatifs, seront retenus ici, pour la simple raison, qu’ils ne sont pas
incompatibles[28].
13. Dans le cadre de cette étude, les fondements qui ont
été retenus pourraient aboutir à un consensus doctrinal tout en rassurant la
pratique[29]. Ces fondements sont « l’acte
juridique » et la « personnalité morale ». Dès lors, il
sera successivement envisagé l’application du droit des sociétés à
l’association acte juridique (Titre I) et l’application du droit des sociétés à
l’association personne morale (Titre II).
Titre I : L’application du
droit des sociétés à l’association acte juridique
14. Par acte juridique, il faut entendre : « une
opération juridique (negotium) consistant en une manifestation de la volonté
(publique ou privée, unilatérale, plurilatérale ou collective) ayant pour objet
et pour effet de produire une conséquence juridique (établissement d’une règle,
modification d’une situation juridique, création d’un droit, etc.)[30] ».
15. L’association et la société sont deux actes
juridiques car ils sont issus d’une manifestation de volonté, et produisent des
effets de droit. Il s’agit d’actes juridiques particuliers, distincts des
autres pour un certain nombre de raisons.
D’abord, ils se distinguent des autres actes
juridiques par la présence d’un intérêt commun. Ce ne sont donc pas des « jeux à
somme nulle où l’un perd ce que l’autre gagne [31] » dépourvus de
possibilités d’expression collective et de représentation. Il s’agirait plutôt
d’ « un jeu de coopération où tous les joueurs gagnent et
perdent en même temps[32] ».
Ensuite, ils se caractérisent aussi par le fait qu’ils
créent une organisation[33], une structure dotée d’organes qui
se répartissent le pouvoir, et émettent des actes juridiques dont la portée a
largement au-delà de la simple structure sociale.
16. En tenant compte de cette réalité, les juges ont
appliqué à des associations un certain nombre de règles issues de leur
nature commune d’acte juridique avec la société.
17. En tant qu’acte juridique, l’association est donc un
acte de volonté (Chapitre 1) dont l’effet est de créer une organisation. Et en
cela, elle est aussi un acte d’organisation (Chapitre2).
Chapitre 1 : L’association,
acte de volonté
18. L’association est un acte de volonté car elle est
créée par au moins deux personnes qui expriment une volonté commune. Cette
volonté délimite en fait l’animus du groupement associatif qui est constitué entre
autres « d’un concours de volontés pour remplir l’objet social [34] ».
19. Ce concours de volontés se retrouve en fait au delà
des associations, dans tous les groupements volontaires de droit privé[35]. Cela justifie sans doute qu’un
auteur l’ait érigé au rang de principe commun à tous les groupements sous le
vocable d’affectio collaborationis[36].
20. À la naissance de l’acte, ses créateurs sont animés
d’une volonté d’être ensemble. Ils se choisissent et s’engagent à employer
« leurs connaissances à la réalisation d’un but autre
que le partage des bénéfices »[37].
21. Mais, une fois l’acte créé, l’association va se doter
d’une possibilité d’expression collective. La volonté de tout un chacun se
manifeste alors par la participation à l’assemblée générale à travers
l’expression d’un droit de vote. Certes, les décisions sont prises à la
majorité et s’imposent même à ceux qui n’y ont pas consenti. Mais quid lorsque ces dernières modifient les
statuts en augmentant les engagements des sociétaires ?
22. Enfin, l’existence de l’acte est conditionnée par
cette volonté commune, et la disparition de cette volontas suffit à entraîner la disparition
de l’acte. Mais à quelles conditions ?
23. Saisis par les associations, les juges n’ont pas
hésité, en recourant au droit des sociétés, à affirmer le rôle de la volonté
dans le fonctionnement et l’existence de l’association. La volonté est alors
une condition de validité des décisions modificatrices des statuts (Section 1)
et une condition de survie de l’acte (Section 2).
Section 1 / La volonté, condition de
validité des décisions modificatrices des statuts : L’interdiction
d’augmenter les engagements d’un sociétaire sans son consentement
24. Dans certains groupements, la Loi prévoit
expressément que les engagements d’un membre ne peuvent être augmentés sans son
consentement[38]. Rien de tel n’a été prévu pour
l’association par la loi de 1901.
25. Dans un arrêt du 20 juin 2001[39], la Cour de cassation a étendu
cette interdiction aux associations sur le fondement de l’art. 1134 du C. civ.
(§1). Toutefois, elle aurait pu, pour aboutir à un résultat identique mais
plus efficace, retenir comme fondement l’art. 1836 du C. civ. (§2)
§ 1) Le fondement
retenu : L’art. 1134 du Code civil
26. Dans cette affaire, les statuts de l’AFUL[40] Neuve Douane avaient été modifiés,
entraînant notamment un changement du critère de répartition des dépenses de
l’association. Mais cette nouvelle répartition s’étant révélée défavorable à un
sociétaire (M. Colombero), ce dernier contesta en justice la validité de cette
délibération qui aggravait son engagement. Les juges suprêmes saisis, par un
arrêt de Cassation, rendirent au visa de l’art. 1134 du C. civ. l’attendu
suivant :
« Qu’en statuant
ainsi, sans constater que M. Colombero avait accepté la modification des
statuts, alors que celle-ci aboutissait à une augmentation de ses engagements,
la Cour d’appel a violé le texte susvisé »
27. S’il convient de relever le mérite de cette solution
(A), révéler ses limites (B) semble inévitable.
A – Le mérite de la solution :
L’association, contrat
28. En se fondant sur l’art. 1134[41] du C. civ. les juges suprêmes ne
font qu’affirmer la nature contractuelle de l’association. C’est là le seul
mérite de cette solution qui « privilégie l’association-contrat
par rapport à l’association-institution »[42].
29. Si au sens de l’art. 1134 al 1er, le contrat est
la loi des parties, cela signifie qu’il est d’une part la loi des parties
seulement (1) et d’autre part la loi de toutes les parties (2).
1°) Le contrat d’association, loi
des parties seulement
30. Il convient au préalable d’identifier quelles sont
les parties au contrat d’association.
L’association naît d’un contrat passé entre les
membres de l’association, mais elle est aussi un contrat passé entre
l’association elle-même et chaque membre.
31. En tant que loi des parties uniquement, le contrat
d’association ne peut faire l’objet d’une modification extérieure. Dès lors,
seules les parties peuvent décider de la modification du contrat et un juge ne
peut modifier lui-même le système de répartition des charges des sociétaires
déterminé par les statuts[43].
32. Mais l’une des parties, notamment l’association
peut-elle modifier unilatéralement le contrat ? Y répondre par la négative
permettrait d’affirmer que l’association est aussi la loi de toutes les
parties.
2°) Le contrat d’association, loi de
toutes les parties
33. En se fondant comme elle l’a fait sur l’art. 1134 du
C. civ. la Cour de Cassation reconnaît que l’association est la loi de toutes
les parties. Dès lors, l’association ne peut modifier unilatéralement le
contrat.
34. Les juges semblent affirmer qu’aucune modification
ultérieure du contrat d’association ne saurait être décidée sans le
consentement des membres concernés. Ce serait en effet, aller à l’encontre de
leurs obligations contractuelles. C’est en fait la nature contractuelle de
l’association qui ne permet pas à l’assemblée, sauf si elle statue à
l’unanimité des membres, de modifier l’engagement de ceux-ci[44].
35. Cela vaut-il dans tous les cas ? Ou uniquement
lorsque la décision modificatrice vient augmenter les engagements initiaux des
sociétaires ?
36. Il est permis de croire que cette solution vaudra
pour toutes les modifications étant entendu que la nature contractuelle de
l’association n’a jamais été véritablement contestée.
37. Cette solution est donc bien fondée en ce qu’elle
affirme sans ambages la nature contractuelle de l’association. Cependant, elle
semble limitée dans sa portée.
B – Les limites de la solution
38. Cette solution semble avoir une portée limitée, car
au lieu de poser un principe de portée générale, elle fait référence aux
statuts de l’association (1), alors que cette référence comporte un certain
nombre de limites (2).
1°) la référence aux statuts
39. La loi de 1901 a certes accordé une grande liberté
aux sociétaires en ce qui concerne leurs règles de fonctionnement. C’est un
principe légal fortement réaffirmé, à tel point que la plupart des arrêts font
toujours référence aux statuts et l’arrêt suscité n’échappe pas à cette
règle. En l’espèce, « l’aggravation des charges des sociétaires
n’était pas prévue parmi les décisions pouvant être prises à la majorité. La
solution aurait-elle été la même si cela avait été le cas ?[45] ».
40. Cette question permet en réalité d’entrevoir les
limites de cette référence aux statuts.
2°) Les limites de la référence aux
statuts
41. Les juges suprêmes prennent le soin de faire
expressément référence aux statuts sur la base de deux principes classiques du
droit général de la cassation en matière de contrats.
Le premier édicte que « les
statuts font la loi des parties et la liberté contractuelle laisse à celle-ci
le soin de fixer comme elles l’entendent le contenu des statuts[46] ».
Le second énonce que « l’interprétation
des statuts par les juges du fond est souveraine sauf dénaturation[47] ».
42. Ces principes, dont la justification ne fait l’objet
d’aucun doute a pu conduire à des dérives dans les associations. Ainsi, dans un
arrêt du 25 avril 1990[48], la Cour de Cassation a admis que
les statuts d’une association votés dans des conditions régulières pouvaient
priver de droit de vote certaines catégories de sociétaires.
43. Certes, il faut relativiser la portée de cet arrêt,
car la Cour suprême ne s’est pas prononcée sur le principe du droit de vote
mais sur la validité des clauses statutaires.
44. Mais on le voit tout de même, la restriction du droit
de vote est encore plus grave que l’augmentation des engagements des membres.
Et si la première est exclue, on ne saurait imaginer la seconde. Les deux vont
de paire, d’où la nécessité d’affirmer avec force, comme principes communs à
tous les groupements, le droit de vote mais aussi la règle de l’interdiction d’augmentation
des engagements sans le consentement des membres.
45. En somme, pour les raisons exposées précédemment, la
référence à l’art. 1134 du C. civ. ne permet pas d’assurer de façon pérenne et
générale l’inviolabilité de la règle de l’intangibilité. En vertu de l’adage specialia
generalibus derogant, il
convient peut - être de souhaiter que les juges recourent de lege
ferenda à l’art.
1836 du C. civ.
§ 2) Le fondement souhaitable :
L’art. 1836 du Code civil
46. Aux termes de l’art. 1836 du C. civ.
« Les
statuts ne peuvent être modifiés, à défaut de clause contraire que par l’accord
unanime des associés.
En
aucun cas, les engagements d’un associé ne peuvent être augmentés sans le
consentement de celui-ci ».
47. La transposition de l’art. 1836 du C. civ. aux
associations est souhaitable dans la mesure où elle conduirait au même résultat[49] que celui de l’art. 1134 du C.
civ., sans encourir les mêmes critiques. Il s’agit donc d’une transposition
évidente (A) mais surtout efficace (B) pour l’affirmation de cette règle comme
principe.
A – L’évidence de la transposition
48. Envisager comme évidente la transposition de cet
article c’est reconnaître aux sociétaires comme aux associés une identité de
situation face à une décision venant augmenter leurs engagements initiaux. En
effet dans un cas comme dans l’autre on peut retrouver une décision modificatrice
des statuts (1), entraînant une augmentation des engagements d’un ou plusieurs
membres du groupement (2).
1°) La décision modificatrice des
statuts
49. À l’instar des sociétés, la décision modificatrice
des statuts d’une association relève de la compétence de l’assemblée générale
extraordinaire. Le principe pour tous les groupements contractuels est
l’unanimité à moins que les statuts ou la loi ne prévoient un autre mode de
répartition.
Dans les deux cas on a donc un même organe, édictant
une mesure identique : Une décision venant modifier les engagements
initiaux des membres du groupement.
2°) L’augmentation des engagements
des membres du groupement
50. Il semble intéressant, à ce stade du raisonnement de
se demander en quoi consiste l’augmentation des engagements. En d’autres
termes, à partir de quel moment un membre va-t-il considérer que son engagement
a été augmenté ?
En droit des sociétés, l’examen de la jurisprudence
permet d’envisager plusieurs situations pouvant aggraver les engagements des
associés[50].
En droit des associations, dans l’arrêt du 20 juin
2001[51], l’augmentation des engagements
consistait en un changement du critère de répartition des dépenses de
l’association.
51. Mais quid des cotisations ?
La question ne manque pas d’intérêt dans la mesure où
une partie de la doctrine a pu considérer que ces sommes ne pouvaient être
considérées comme étant l’engagement des associés[52]. Et dès lors, on ne pouvait
considérer que l’intangibilité des engagements puisse viser les hypothèses
d’augmentation des engagements. Toutefois cela est contestable dans la mesure
où les cotisations « restent le reflet de
l’engagement des membres[53] ».
52. L’évidence de transposition de l’art. 1836 ne fait
donc l’objet d’aucun doute car on le voit, dans l’association comme dans la
société, les membres se retrouvent dans la même situation. Mais bien plus que
l’évidence, c’est l’efficacité de cette transposition pour l’instauration du
principe de l’intangibilité des engagements en droit des associations qu’il
convient d’envisager.
B – L’efficacité de la transposition
53. Cette transposition serait, semble-t-il, pleinement
efficace pour affirmer avec force la règle de l’interdiction comme principe
commun. Pour ce faire il convient de se référer d’abord au droit des sociétés
où elle est d’ordre public, la jurisprudence[54] considérant même qu’elle est
sanctionnée de nullité absolue (1). Ensuite il sera envisagé les conséquences
de son application aux associations (2).
1°) L’art. 1836 du Code civil en
droit des sociétés
54. En droit des sociétés dans un arrêt du 13 novembre
2006[55] les juges ont accordé une valeur
absolue à l’art. 1836 en décidant que : « Lorsque
l’augmentation des engagements des associés ne procède pas de leur consentement
unanime, l’associé ayant consenti à cette augmentation n’est pas de ce seul
fait, dépourvu d’intérêt à agir en nullité car l’art. 1836, alinéa 2, du Code
civil est une disposition d’ordre public sanctionnée de nullité absolue ».
55. En l’espèce, une action en nullité était dirigée
contre une décision d’assemblée générale à laquelle il était reproché d’avoir
augmenté les engagements des associés sans leur consentement unanime, il
s’agissait alors de savoir si l’un des associés ayant consenti à la décision
était recevable à agir. La Cour en recevant cette action, estime que la règle
est d’ordre public et donc sanctionnée de nullité absolue.
56. Certes la solution est critiquable[56], mais elle reste tout de même
intéressante car elle affirme sans équivoque que la règle de l’intangibilité
des engagements est d’ordre public. Et en cela, son application aux
associations pourrait entraîner un certain nombre de conséquences.
2°) Les conséquences de
l’application de l’art. 1836 aux associations
57. Puisque l’art. 1836 est d’ordre public, il ne saurait
y être dérogé conventionnellement. En l’appliquant aux associations les juges
feraient rentrer une disposition impérieuse dans le droit des associations non
sans quelques grincements de dents[57].
58. Au demeurant, cela permettrait peut être de lutter
contre les dérives constatées dans les associations notamment en matière de
droits politiques[58] des sociétaires, et d’injecter un
peu de démocratie dans les associations. Il ne reste plus qu’à espérer que la
jurisprudence fasse prochainement application de cette disposition aux
associations.
59. La jurisprudence, on l’a vu, reconnaît que la volonté
est une condition de validité des décisions modificatrices des statuts en
appliquant la règle de l’intangibilité des engagements aux associations. Mais
elle pourrait aller plus loin encore en transposant l’art. 1836 al. 2 qui est
en droit des sociétés une disposition d’ordre public[59].
60. La jurisprudence, on le verra, reconnaît aussi que
l’association est un acte volontaire, un groupement de personnes et en tant que
tel, la volonté est également une condition de survie de l’acte.
Section 2 / La volonté, condition de
survie de l’acte
61. C’est peut-être une vérité de Lapalisse que
d’envisager la problématique de la dissolution volontaire de l’association. En
effet, c’est un contrat auquel n’échappe pas le mutuus
dissensus. C’est en
tout cas ce que rappelle l’art. 1er et l’art. 9 de la loi de 1901.
62. Mais l’enjeu n’est pour autant pas inexistant. En
effet, en l’absence de mutuus dissensus, est-il possible qu’un sociétaire
qui ne désire plus poursuivre l’activité commune, sollicite en justice la
dissolution du groupement ? Si oui n’est-ce pas un cas de solus
dissensus homologué
par le juge?
63. Alors qu’en droit des sociétés, il est admis depuis
longtemps que la société ne peut survivre à une mésentente si elle est « de
nature à paralyser son fonctionnement »[60] aucune disposition similaire
n’existe dans la loi de 1901.
64. La jurisprudence a donc dû pallier cette carence en
transposant la dissolution pour justes motifs de l’art. 1844-7-5 aux
associations (§ 1). Au-delà, n’est-ce pas l’ensemble de l’art. 1844-7 qui est
considéré comme un principe commun à tous les groupements ? Il convient
donc d’analyser les probabilités de transposition des autres dispositions de
l’art. 1844-7 du Code civil (§2).
§ 1) La transposition de la
dissolution pour justes motifs
65. Le juge judiciaire peut prononcer la dissolution de
l’association lorsque des « justes motifs » paralysent le
fonctionnement de la société. La jurisprudence a d’abord été hostile à
l’application de cette dissolution à des groupements à but non lucratif[61]. Ensuite, elle admit le principe de
cette dissolution en se référant au droit des contrats et sans recourir au doit
des sociétés (A). Aujourd’hui, elle semble considérer l’art. 1844-7-5 comme un
principe commun de dissolution (B).
A – Le fondement contractuel
66. L’hésitation de la jurisprudence à appliquer l’art.
1844-7-5 aux associations pose la question du fondement contractuel de la
dissolution pour justes motifs. Par deux arrêts[62], certes anciens, les juges ont
estimé que la dissolution pour justes motifs était possible lorsqu’une des
parties méconnaissait gravement ses obligations contractuelles (1) ou lorsqu’il
ne régnait plus aucun esprit de confiance au sein de l’association (2).
1°) La méconnaissance des
obligations contractuelles
67. Dans un arrêt du 17 octobre 1973[63], la Cour de cassation prononça la
dissolution d’une association en se fondant sur la méconnaissance par un sociétaire
de ses obligations contractuelles. En l’espèce, un contrat d’association avait
été conclu entre deux vétérinaires. Après deux années sans problèmes, l’un
d’eux (M. Boïté) fit paraître une annonce indiquant qu’il recevrait désormais
les clients et les appels à son domicile et non plus au siège social. L’autre
(M. Lassourd) demanda alors aux juges de prononcer la rupture du contrat
d’association et la condamnation de M. Boïté au paiement de dommages intérêts.
La Cour d’appel saisie prononça la résolution du contrat aux torts de M. Boïté.
Saisie par ce dernier, la Cour de cassation valide le raisonnement des premiers
juges par un attendu qui mérite d’être repris :
« Attendu ensuite,
qu’après avoir, par une interprétation […] du contrat […] considéré que la commune
volonté des parties était de voir exercer la profession au siège
social de l’association, les juges du second degré ont souverainement estimé
que Boïté, en transférant son cabinet à son domicile particulier et en publiant
un communiqué donnant à penser à la clientèle qu’il exerçait désormais seul la
profession, avait eu un comportement justifiant la dissolution de
l’association »
68. Cet arrêt permet de tirer deux enseignements :
- La
dissolution (ou la résolution du contrat) de l’association peut être prononcée
lorsque la commune volonté des parties fait défaut.
- Celle-ci
fait notamment défaut lorsque l’un des sociétaires a méconnu ses obligations
contractuelles.
69. De ces observations, il semble opportun de faire le
rapprochement entre la dissolution pour justes motifs et la condition
résolutoire de l’art. 1184 du C. civ. Qu’est-ce finalement que la dissolution
pour justes motifs si ce n’est la transposition de la condition
résolutoire[64] ?
En effet la condition résolutoire qui est sous
entendue dans tous les contrats synallagmatiques, consiste pour une partie à
solliciter en justice la résolution avec dommages et intérêts lorsque l’autre
partie ne satisfait point son engagement. N’est-ce pas la même situation,
lorsqu’un associé sollicite en justice la dissolution de la société pour
inexécution par un autre de ses obligations contractuelles ?
70. Toutefois, l’application de l’art. 1184 exclut que
les torts soient réciproques. Il faut alors dissoudre tout simplement le
groupement sans dommages et intérêts. C’est notamment, le cas lorsque les
sociétaires s’accusent réciproquement de détournement et ne se font plus confiance.
2°) La perte de confiance réciproque
71. Dans un arrêt du 10 mai 1978[65], deux médecins s’étaient constitués
en association en vue de l’exploitation en commun d’un cabinet médical.
S’accusant réciproquement de détournement, la Cour d’appel saisie refusera de
prononcer la résolution de leurs contrats aux torts exclusifs de l’un d’eux en
estimant « qu’en se privant de l’affectio societatis qui
devait présider à leurs rapports professionnels, les docteurs Sucrot et Gros
ont commis vis-à-vis de l’autre les fautes qui légitiment la dissolution de
l’association sans indemnité ». Les juges suprêmes ne feront que confirmer ce
raisonnement.
72. En statuant ainsi ils fondent la dissolution pour
justes motifs sur la perte de confiance réciproque qui constituait en l’espèce
une privation de l’affectio societatis. La référence à cet « affectio », pour le cas d’une
association, ne devrait pas surprendre pour deux raisons :
- D’une
part, l’affectio societatis n’est que la traduction latine du consentement que
l’on retrouve dans tous les contrats
- D’autre
part, elle n’est donc pas propre aux sociétés, c’est dans ce sens que l’on
parle souvent d’affectio associationis, consiacionis,
collaborationis…
73. L’étude de cette jurisprudence ancienne a permis de
révéler le fondement contractuel de la dissolution pour justes motifs. Mais la
jurisprudence n’hésite plus comme par le passé à appliquer l’art. 1844-7-5 aux
associations, article qu’elle considère comme un principe commun de dissolution
des groupements de personnes.
B – L’art. 1844-7-5, principe commun
de dissolution
74. Le raisonnement actuel de la Cour de cassation
consiste à transposer l’art. 1844-7-5 du C. civ. aux associations. Par cette
transposition, elle en fait un principe général relatif aux groupements de
personnes. En revanche, elle subordonne son succès à deux conditions : le
demandeur doit justifier de la qualité de membre (1) ; en outre il faut
que la mésentente soit de nature à paralyser le fonctionnement de l’association
(2).
1°) La qualité pour agir
75. Au sens de l’art. 1844-7-5 du C. civ. la dissolution
pour justes motifs peut être prononcée « à la demande d’un
associé ».
Cette exigence a toujours été réaffirmée par la jurisprudence en droit des
sociétés[66].
76. Quant aux associations, la jurisprudence n’est guère
florissante. Toutefois, il convient de citer deux arrêts récents qui affirment
cette exigence de qualité. Dans un arrêt du 24 septembre 2002[67], la Cour d’appel de Poitiers a
rejeté la demande en dissolution d’un ancien sociétaire en estimant que ce
dernier n’était pas « recevable à solliciter
en justice la dissolution d’une association dont il a perdu la qualité de
membre ».
Un autre arrêt du 13 mars 2007[68] est particulièrement intéressant.
Dans cette affaire, Mme X avait fait par deux actes (le 4 mars 1974 et le 14
juin 1977) donation à une association d’un nombre important d’immeubles. L’acte
prévoyait qu’en cas de dissolution de l’association, les biens devaient faire
retour à la donatrice et à ses héritiers. Mme X décédée, ses deux filles
demandèrent au tribunal de prononcer la dissolution de l’association pour
illicéité de son objet et subsidiairement la nullité des apports pour défaut de
conformité avec le but poursuivi : Elles furent déboutées. Vingt ans plus
tard, elles ont assigné l’association pour obtenir sa dissolution au visa de
l’art. 1844-7 du C.civ., faute de remplir l’objet pour lequel elle avait été
constituée. La Cour d’appel saisie (Angers, 4 oct. 2005) prononça la
dissolution de l’association. Celle-ci se pourvut alors en cassation sur la
base d’une fausse application de l’art. 1844-7 qui ne peut résulter « d’une
action des tiers » ou « d’une mésentente entre associés paralysant le
fonctionnement de ses membres ». Sur le défaut de qualité, la
Cour estima qu’en tant que fin de non recevoir, elle aurait du être soulevée
devant les juges du fond à peine d’irrecevabilité et a approuvé la
Cour d’appel d’avoir relevé que l’association ne remplissait plus son objet et
prononcer la dissolution.
77. On le voit, la jurisprudence, tend à affirmer comme
en droit des sociétés que cette action n’est réservée qu’aux seuls membres du
groupement. En plus de la qualité, il faut que le sociétaire démontre
l’existence d’une mésentente grave, c'est-à-dire paralysant le fonctionnement
de l’association.
2°) La gravité de la mésentente
78. Cette exigence de gravité de la mésentente ne fait
l’objet d’aucune discussion en droit des sociétés. La société étant un
groupement intéressé, la jurisprudence a toujours hésité à dissoudre une
société économiquement viable, alors que ses membres n’arrivaient plus à
s’entendre. C’est donc l’importance économique des sociétés qui justifie cette
exigence[69]. D’ailleurs, l’appréciation de
cette mésentente relève de l’appréciation souveraine des juges du fond[70]. Cela explique sans doute que la
paralysie soit une exigence dont le contenu variable reste difficile à
démontrer[71].
79. La vocation désintéressée de l’association étant
d’ordre public, peut-on espérer que la mésentente pourra y trouver une
application plus souple ? En d’autres termes le juge prononcera-t-il tout
simplement la dissolution, dès lors que l’affectio
associationis fera
défaut ? Le doute est permis. Pour s’en convaincre, il suffit d’examiner
un attendu de l’arrêt du 24 septembre 2002 : « Attendu
que si le défaut non de vie associative, mais d’affectio associationis peut
entraîner la dissolution d’une association lorsque notamment ce défaut se
manifeste par une mésentente entre associés de nature à paralyser le
fonctionnement de l’association » […]
80. Comme en droit des sociétés, seule la mésentente
grave, c'est-à-dire de nature à paralyser le fonctionnement de l’association,
peut justifier la dissolution d’une association. Dès lors, la jurisprudence
tend à affirmer la dissolution pour justes motifs comme un principe commun de
dissolution des groupements de personnes.
81. Mais doit-on aller au-delà de la seule transposition
de l’art. 1844-7-5 et considérer l’ensemble de l’art. 1844-7 comme un
principe commun ? La réponse à cette question suppose d’examiner les
probabilités de transposition de l’art. 1844-7.
§ 2) Les probabilités de
transposition des autres dispositions de l’art. 1844-7 du Code civil
82. Il convient de distinguer les transpositions
probables (A) de celles qui ne le sont pas (B).
A – Les transpositions probables
83. L’examen des dispositions qui va suivre permet de
rendre compte de la nature contractuelle de l’association. Peuvent alors être
transposées les causes de dissolution issues du droit commun des contrats (1)
et celles résultant de la volonté des associés (2).
1°) Les causes de dissolution issues
du droit commun des contrats
84. Au sens de l’art. 1844-7, la société prend fin
par : l’expiration du temps pour lequel elle a été constituée (1°), par la
réalisation ou extinction de son objet (2°), l’annulation du contrat de société
(3°). Ces causes de dissolution relèvent en fait du droit commun des contrats ;
ce n’est que la traduction des articles 1108 et 1134 du C. civ.
L’association étant un contrat, il ne fait aucun doute
que ces dispositions peuvent lui être transposées. Il en va de même de celles
résultant de la volonté des associés.
2°) Les causes de dissolution
résultant de la volonté des associés
85. L’art. 1844-7 ajoute également en son 4°) que la
société prend fin par dissolution anticipée décidée par les associés. Or,
l’association, et cela vient d’être démontré, est un acte de volonté. Elle peut
donc tout à fait prendre fin par décision unanime des sociétaires.
Toutefois, il est des dispositions dont la
transposition semble improbable.
B – Les transpositions
improbables
86. Si la réunion de toutes les parts en une seule main
n’est une cause de dissolution que dans les groupements intéressés (1), la
jurisprudence a également dû exclure pour les associations la dissolution pour
liquidation judiciaire (2).
1°) La réunion de toutes les parts
sociales entre une seule main
87. Ce cas de dissolution est prévu à l’art. 1844-7-6. La
réunion de toutes les parts en une seule main est une conséquence de la
vocation aux bénéfices de la société. Elle ne saurait être transposée aux
associations qui ne peuvent partager un bénéfice.
En revanche, une association peut parfaitement être
mise en liquidation judiciaire.
2°) La dissolution pour liquidation
judiciaire
88. Par un arrêt du 8 juillet 2003[72] la Cour de cassation a estimé
qu’ « une association ne prenant pas fin par l’effet du
jugement ordonnant la liquidation judiciaire, elle peut valablement, en vertu
de son droit propre, interjeter un appel par l’intermédiaire de son président
pourvu qu’elle le fasse contre le liquidateur ou en sa présence ».
89. Un auteur commentant cet arrêt a parfaitement
démontré les bienfaits de ce refus jurisprudentiel de transposition d’une règle
dont on ne voit guère à quel principe général elle peut être rattachée[73]. Tenant d’ailleurs compte des
difficultés qu’a engendré l’application de cette disposition dans les sociétés[74], le législateur dans la réforme des
procédures collectives[75] a autorisé le maintien exceptionnel
de l’activité.
Conclusion du Chapitre 1
90. Au terme de ce chapitre, il est permis d’affirmer que
l’association est bien un acte de volonté. C’est en fait la conséquence de sa
nature d’acte juridique puisque tous les actes juridiques sont des actes de
volonté. Les manifestations de la volonté se rencontrent ainsi tout au long de
la vie de l’acte et conditionnent même sa survie.
Toutefois, l’association est un acte juridique
particulier en ce sens qu’il crée une organisation.
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