La jurisprudence : clef de lecture de la loi de 1901
Jean-François Merlet
p. 211-229
TEXTE NOTES AUTEUR
TEXTE INTÉGRAL
• 1 Journal officiel, Débats. Chambre des députés, 28 juin 1901, p. 1664.
1Comment la loi de 1901 peut-elle nous révéler ses secrets ? La tâche n’est guère aisée. Tenter de contribuer à une histoire normative n’est jamais chose facile. Il faut essayer de saisir un texte, objet juridique en mouvement, dans un contexte juridique et social lui-même en mouvement... Et, si possible, avec le regard rigoureux du juriste. Or, la loi de 1901 paraît tout particulièrement rétive à se laisser appréhender, résumer, étiqueter. Quand elle fut adoptée définitivement, ce fut aux cris de « Vive la République ! » sur les bancs de gauche et de « Vive la liberté ! » sur les bancs de droite1. La tension politique était exacerbée : la « défense républicaine » cédait le pas à « l’action républicaine » et la guerre (entre autres scolaire) contre les congrégations allait pouvoir croître en fureur. Aujourd’hui, cette même loi, certes amendée (mais pas tant que cela), est l’objet d’un grand consensus politique, d’une vénération profonde, d’une pratique imposante de millions de personnes comme bénévoles, sociétaires ou dirigeants. Comment donc tenter d’explorer les possibles, ou, tout au moins, les apparentes contradictions de ce texte et de son application pour les rendre lisibles ?
• 2 Cet article s’appuie sur les recherches menées à l’occasion d’une thèse de doctorat en droit souten (...)
• 3 Voir, entre autres, P. CAILLE, Les associations laïques devant la loi nouvelle, thèse, Paris, Arthu (...)
• 4 Outre les périodiques telle la revue bimensuelle Juris associations ou les mises à jour des classeu (...)
• 5 Selon le mot très juste du Professeur Chapus.
2Sans pouvoir rendre ici compte des nombreuses péripéties de la grande loi2, une clef de lecture a été délibérément choisie comme permettant, espère-t-on, d’entrouvrir notre malle au trésor de la liberté d’association : la jurisprudence. Certes, et la remarque est à considérer, on objectera que l’étude de la jurisprudence relative aux questions associatives avant 1901 a déjà été menée au début du siècle3 et que celle qui lui est consécutive est détaillée dans de nombreuses productions juridiques4. Mais il semble possible de proposer un nouveau regard sur le dialogue qui a pu naître et se perpétuer entre le juge et le législateur. En nous intéressant à cet échange incessant, nous pouvons espérer nous trouver au point de rencontre des réalités sociales et de l’univers normatif, au cœur de la dynamique des jurislateurs5.
3Par ce biais, nous essaierons de donner quelques éléments d’explication des lectures contradictoires de la loi. La loi de 1901 est une loi de tradition car elle synthétise un droit dégagé par les juridictions avant elle. Mais elle apparaît tout autant comme une loi d’avenir, toute travaillée, revisitée, qu’elle est par la jurisprudence. Si elle peut prétendre, dans une certaine mesure, à l’éternité dans notre monde juridique si tourmenté de réformes fébriles et incessantes, c’est qu’elle a été reprise et consolidée par les juges.
LA CONSECRATION DE LA JURISPRUDENCE PAR LA LOI 1901
4Nous pouvons chronologiquement nous pencher, pour commencer, sur le dialogue du législateur et du juge en 1901. Autrement dit, comment la loi de 1901 se situe-t-elle par rapport à la jurisprudence du temps ? Y a-t-il une révolution à la hauteur du renversement copernicien apporté par le principe de libre formation et de légalité a priori de toute association ? La réponse est légèrement différente selon qu’on s’intéresse aux régimes de droit commun ou aux régimes d’exception contenus dans la loi.
Les régimes de droit commun : synthèse de l’évolution jurisprudentielle
5Les régimes de droit commun, inscrits dans les articles 1er à 11 de la loi, c’est-à-dire pratiquement dans les deux premiers titres, ne peuvent être compris que si l’on se souvient que Waldeck-Rousseau échoua à faire adopter l’intégralité de son projet. Le Parlement, par un débat souvent houleux, va, amendement après amendement, faire jaillir une nouvelle économie du texte. Et les régimes juridiques de droit commun ne se situeront pas en rupture par rapport aux évolutions prétoriennes audacieuses du XIXe siècle.
L’amendement Groussier : clef de voûte inattendue de la loi
• 6 Article 11 du projet du 14 novembre 1899 :
« Les associations qui voudront obtenir le privilège de (...)
6Le projet Waldeck-Rousseau se proposait de bâtir de façon fort originale l’édifice associatif : les associations devaient être uniquement des groupements intellectuels de personnes, des lieux permanents pour la concertation, le débat d’idées et la mise en mouvement d’une œuvre, mais en aucun cas elles ne devaient posséder des biens. Si les cocontractants associatifs souhaitaient mettre en commun plus que leur intelligence, ils devaient s’associer dans une société civile ou commerciale parallèlement, à moins que l’association n’ait le privilège d’être reconnue d’utilité publique par un acte discrétionnaire de l’Administration6. Le caractère non lucratif de l’association portait ainsi le Président du conseil à imaginer de façon peu réaliste que les groupements, désormais légaux dès leur formation spontanée, devaient rester a priori sans aucune dimension patrimoniale.
• 7 Journal officiel, Débats. Chambre des députés, 4 février 1901, p. 284.
7L’amendement Groussier, adopté par la Chambre dès le 4 février 19017, c’est-à-dire dès le début de la première lecture du texte, vient contrer l’étrange innovation de Waldeck-Rousseau en s’appuyant sur un argumentaire de défense d’un minimum de tradition juridique, presque d’un droit acquis des associations sous les régimes autoritaires : les associations de moins de vingt personnes doivent pouvoir garder le même statut qu’avant 1901 en se constituant librement.
• 8 Voir, par exemple, l’emblématique « Procès des treize », Crim. 11 février 1865, Duvergier (abrégé p (...)
• 9 L’article 4 al. 1 du projet de 1899 (« Toute convention d’association devra être rendue publique pa (...)
8Dès lors, l’architecture proposée se brise : il y aura des associations « non déclarées » et des associations « déclarées » toutes aussi légales, à côté des associations reconnues d’utilité publique. Les considérations arithmétiques du nombre de membres sont abandonnées, à la fois pour leur manque de justification théorique et par rejet de l’arbitraire auquel l’article 291 du Code pénal ancien pouvait aboutir8. Comment alors justifier l’exigence de la déclaration ? Comment convaincre les citoyens de s’y conformer ? L’article du projet de loi relatif à la capacité patrimoniale des associations est réformé en conséquence : les associations déclarées obtiendront un minimum de capacité juridique propre9.
9L’amendement Groussier, basé sur la seule idée que la tolérance passée des associations de moins de vingt personnes doit demeurer encore inscrite dans le droit, aboutit à une réaction en chaîne. Au « tout ou rien » patrimonial souhaité par Waldeck-Rousseau, un crescendo est substitué : l’association gagne en individualité chaque fois qu’elle se soumet à des formalités administratives plus contraignantes. Mais alors que doit être l’étendue de la capacité de ces trois types d’associations relevant du droit commun ? Le législateur n’eut guère le temps d’innover et, consciemment ou non, il fit sien les développements de la jurisprudence antérieure.
La sédimentation législative des avancées jurisprudentielles
• 10 Par une jurisprudence traditionnelle, le juge administratif considérait que l’article 910 du Code c (...)
10Sans surprise, le législateur de 1901 reprend le principe de « grande capacité » pour les associations reconnues d’utilité publique : elles sont à l’image des associations précédemment reconnues et l’autorisation administrative exigée pour l’obtention de libéralités est aussi traditionnelle10.
• 11 Les premières illustrations datent de la moitié du XIXe siècle : Req. 20 février 1844, D.1844.1.14, (...)
• 12 Voir, par exemple, l’affaire de la Société hippique de Cavaillon, Req. 2 janvier 1894, D.1894.1.81 (...)
• 13 Sans même parler ici de la question de l’interposition au profit de congrégations illicites.
11La difficulté centrale est celle de l’association qui a vocation à être le véritable statut de droit commun : l’association déclarée. Or, nous venons de voir qu’elle est l’invitée inattendue du député Groussier... Que nous dit l’article 6 de la loi à propos de ses droits patrimoniaux ou extra-patrimoniaux ? Elle pourra ester en justice, contracter, recevoir des cotisations, mais ne pourra pas acquérir à titre gratuit. En bref, il y a individualité du corps sans droit aux libéralités. C’est ici la reprise très exacte des inventions prétoriennes des décennies précédentes. En effet, tandis que le préteur découvrait la personnalisation juridique des sociétés civiles, il accorda à certaines associations une « individualité » : à savoir le droit d’ester sans se voir opposer l’adage « Nul ne plaide par procureur », la possibilité de contracter et de lever des cotisations. Il fallait pour cela que le groupement ait satisfait à une déclaration de police et paraisse particulièrement d’intérêt général11. Puis, cette condition d’utilité sociale fut appréciée de façon très souple et des clubs à vocation « égoïste » virent à leur tour reconnaître leur individualité12. Les libéralités étaient, quant à elles, clairement écartées, ce qui entraînait la prolifération de libéralités sub modo pour contourner cette interdiction de principe13. Le régime de l’association déclarée est donc l’héritier direct de l’évolution jurisprudentielle.
• 14 Par exemple Rodez 6 février 1892, D.1894.2.329 ; Montpellier 17 avril 1893, D.1894.2.329.
• 15 Cour des comptes 28 septembre 1960, Riehl et Krauskopf, GAJF.
12Les associations non déclarées bénéficiaient aussi indirectement de cette évolution bienveillante de la jurislation. Certes, elles ne pouvaient prétendre à aucune individualité juridique stricte, à aucun patrimoine personnalisé. Mais, la possibilité de contracter pour mettre en indivision des biens, pour mandater un représentant commun en justice ou un responsable de la levée des cotisations, leur est ouverte : la jurisprudence antérieure le permettait14 et la loi de 1901 ne leur en ôte aucunement la faculté. Seule la perspective d’être ès qualités subventionnées est à écarter de leurs ambitions, et la jurisprudence est sur ce point encore perpétuée après 190115.
13N’y a-t-il donc dans la loi de 1901 qu’une copie organisée des recueils de jurisprudence ? Les régimes de droit commun ne doivent pas faire oublier les régimes d’exception. Les premiers n’ont guère été l’objet de débats parlementaires, une fois le principe de l’amendement Groussier retenu, puisqu’ils reprenaient la jurisprudence antérieure. Les seconds étaient plus mal aisés à définir car les chemins empruntés par les juges étaient divers.
LES REGIMES D’EXCEPTION : CHOIX POLITIQUE D’UNE CERTAINE JURISPRUDENCE
• 16 Voir la liste des différents textes visés pour leur maintien ou leur abrogation, totale ou partiell (...)
14Fallait-il placer toutes les associations sous le même régime juridique ? Elles ne l’étaient pas avant 1901 : des textes spéciaux visaient les congrégations, les associations religieuses, les syndicats ou les sociétés de secours mutuel16, etc. La loi de 1901 maintint expressément les lois de 1884 sur les syndicats et de 1898 sur les sociétés de secours mutuels et retint deux autres distinctions : les congrégations et les associations d’étrangers. Ces deux choix ne répondent pas à la même logique musicale d’entrées en imitation à la suite de la jurisprudence : il s’agit soit d’un choix politique tranchant parmi plusieurs attitudes possibles, soit d’une innovation pure et simple.
Le régime des congrégations ou le choix de la fermeté
• 17 L’autorisation des congrégations féminines devait être donnée par une loi (ordonnance du 2-4 avril (...)
• 18 Tout particulièrement sous la Restauration et le Second Empire, pour favoriser le développement de (...)
15L’attitude de la puissance publique face au phénomène congréganiste était de longue date controversée : la méfiance naturelle à l’égard de ces groupements idéologiques puissants a porté à l’édiction d’un régime juridique basé sur l’autorisation administrative préalable17, même si les tolérances administratives portaient souvent à en négliger l’application18. La situation des congrégations est donc ambiguë en 1901 car le droit applicable théoriquement est volontairement délaissé par l’Administration. Sans consigne claire, comment s’étonner que les jurisprudences antérieures à 1901 soient contradictoires sur l’attitude à tenir face à une congrégation non autorisée qu’un pieux légataire, par exemple, entend gratifier. Le juge civil a rendu en la matière toutes les solutions imaginables :
• 19 La jurisprudence abonde, par exemple Req. 26 février 1849, D.1849.1.44 rapport Mesnard, 5.1849.1.24 (...)
• 20 On lui reconnaît en particulier une personnalité passive pour échapper à l’impunité si sa responsab (...)
• 21 De la même manière, on accepte qu’une congrégation non autorisée puisse ester pour revendiquer un b (...)
• 22 Outre l’affaire Parabère, voir, par exemple Req. 19 juillet 1882, D. 1882.1.451.
– appliquant le droit strict, il a pu logiquement constater que la congrégation non autorisée ne jouissait pas de la personnalité juridique et qu’en conséquence, toute libéralité qui lui serait faite était nulle19...
– à l’opposé, d’autres tribunaux reconnaissaient une existence de fait à la congrégation non autorisée, soit en sa défaveur20, soit même en sa faveur21. Après tout, raisonnaient certains magistrats, pourquoi refuser à ces citoyens particuliers le bénéfice du droit commun : pourquoi des congréganistes ne pourraient-ils pas s’associer, former une société civile ou passer entre eux tel contrat innomé, métissé de tontine, pour posséder et recevoir en commun ?
– entre les deux écoles extrêmes du refus et de la tolérance, un grand nombre d’arrêts statuaient avec pragmatisme : les congréganistes peuvent former des sociétés entre eux mais les libéralités faites à ces sociétés sont parfois annulées au nom de l’interposition au profit d’une congrégation illégale22.
• 23 L’ancien Code pénal semblait pourtant favorable aux congréganistes en disposant que le décompte des (...)
• 24 Voir sur l’ensemble de la question T. Paris 8 juillet 1832 ; Caen 20 juillet 1846 ; T. corr. Seine (...)
16Pour achever de perturber une claire perception du droit applicable aux congrégations, la question se posa de savoir si les congrégations en tant que telles n’étaient pas pénalement répréhensibles si elles dépassaient les vingt membres23. En 1832, le procès des Saint-Simoniens avait abouti à un refus de l’application du Code pénal à des personnes vivant en commun. En 1900, quelques mois avant l’adoption de la loi, toute l’opinion publique se divisait sur le procès fait aux Assomptionnistes : les rédacteurs de La Croix furent les derniers à être condamnés pour délit d’association... mais la peine fut fixée à une amende symbolique24 ! La jurislation était donc bien confuse : il revenait au cabinet Waldeck-Rousseau de trancher. Quel choix opère donc la loi de 1901 ?
• 25 Voir son célèbre discours lors du débat général Journal officiel, Débats. Chambre des députés, 21 j (...)
• 26 Journal officiel, Débats. Chambre des députés, 27 mars 1901, p. 971.
17Tout d’abord, au péril d’une réelle contradiction, la loi ne condamne pas toutes les associations congréganistes comme étant en elles-mêmes contraires à l’ordre public. Le président du Conseil avait beau affirmer que les vœux religieux étaient selon lui contraires aux principes généraux du droit civil25, il maintenait le principe de leur autorisation et l’amendement Zévaès, qui portait suppression de toutes les congrégations, est repoussé à une forte majorité26. En d’autres termes, le fait congréganiste n’est pas par lui-même illégal.
• 27 L’article 18 al. 2 de la loi dissout de plein droit les congrégations qui n’auraient pas fait les d (...)
18Pour autant, les congrégations ne bénéficient pas du nouveau droit commun, bien au contraire. Le principe d’une autorisation législative est retenu pour la congrégation même et d’une autorisation administrative pour chacun de ses établissements. Un délai de trois mois est ouvert pour que les nombreuses congrégations de fait régularisent leur situation en déposant une demande d’autorisation. Passé le 1er octobre 1901, toutes les autres congrégations non autorisées seront passibles d’un nouveau délit, le délit de congrégation, et impitoyablement réprimées27. Voici donc trouvé le « moyen terme » entre la jurisprudence des Saint-Simoniens et des Assomptionnistes...
• 28 L’article 14 de la loi de 1901 interdit d’enseignement les congréganistes non autorisés. La loi du (...)
• 29 Article 17 de la loi. Certains auteurs ont pu voir ici une résurgence de la sanction juridique de l (...)
19En outre, et sans aborder ici la déchéance du droit d’enseigner28, la non régularisation de la congrégation de fait a une conséquence patrimoniale importante : un système de présomption d’interposition est élaboré de sorte que le congréganiste non relié à un ordre et une maison autorisés est privé de toute véritable possibilité de recevoir29. Les jurisprudences antérieures relatives à l’interposition sont ici reprises et généralisées en système dans l’article 17 de la loi. Les congrégations illicites sont désormais partout suspectées.
• 30 Voir note 16.
• 31 Journal officiel, Débats. Sénat, 19 juin 1901, p. 944.
20Mais la loi ne tranche pas volontairement une question essentielle : celle de la définition de la congrégation. Sera-ce une simple reprise de la jurisprudence fiscale qui, avec le grand réalisme dont elle sait faire preuve, avait déjà indiqué ce qu’il fallait entendre par association religieuse au sens des lois Brisson30 ? Non, car l’amendement Fournière, un moment adopté, qui envisageait l’obligation de déclarer toute association religieuse, fut finalement abandonné au motif que seules les congrégations devaient être soumises à un régime renforcé. Quelle définition retenir alors ? Rejetant diverses suggestions, Waldeck-Rousseau indique qu’il reviendra à la jurisprudence de dire ce qu’est exactement une congrégation31, solution juridiquement effrayante, puisque la définition d’un délit nouveau – inscrit dans la loi – est en cause : le législateur proscrit ce qu’il refuse de décrire !
21Au total, l’influence de la jurisprudence fut donc déterminante dans les choix du législateur en matière congréganiste : il opta parmi les différentes attitudes précédentes pour en retenir certaines et il renvoya au juge pour donner toute sa mesure à la loi. Telle n’est pas du tout la situation des associations étrangères.
Le régime des associations étrangères : le choix de l’innovation
• 32 Crim. 16 mai 1873, D.1873.1.217 ; Crim. 21 juin 1873, D.1873.1.270 ; pour un refus de l’individuali (...)
• 33 C.E. 1er avril 1887, Société musicale L’harmonie du commerce de Saint-Germain-en-Laye et C.E. 2 déc (...)
• 34 Ce qui ne faisait que rejoindre des questions de droit commun pour les associations sans personnali (...)
22Quelles sont les jurisprudences s’intéressant aux associations étrangères avant 1901 ? Il n’en existe que de très rares. La lecture des revues juridiques de l’époque fait mémoire de trois hypothèses : l’application de la loi de 1872 relative à l’Association internationale des travailleurs32 que la loi de 1901 abroge formellement ; des questions mineures de défense des étrangers au sein d’associations musicales face à des municipalités xénophobes33 ; enfin, quelques réflexions sur la faculté des associations établies à l’étranger de recevoir des libéralités en provenance de France34.
• 35 Article 12 al. 1er :
« Les associations composées en majeure partie d’étrangers, celles ayant des a (...)
• 36 Les députés d’extrême gauche se méfiaient fortement de l’application qui pourrait être faite de cet (...)
• 37 L’idée d’une dissolution administrative spéciale pour les associations étrangères avait été avancée (...)
23Rien ici n’annonce l’article 12 de la loi par lequel le Gouvernement reçoit le droit extraordinaire de dissoudre par voie administrative certains groupements étrangers35. Cet article, bien ambigu dans sa rédaction, doit être lu comme une action de lutte contre les trusts internationaux et non en une perpétuation de la prohibition de l’Internationale des travailleurs, association désormais placée sous les auspices du droit commun36... En résumé, l’article 12 est dans le dialogue entre la loi et la jurisprudence le seul à constituer une véritable innovation, à ne s’appuyer sur aucune pratique antérieure d’application du droit37. Est-ce pour cela qu’il n’a jamais été appliqué ? L’heure de l’hostilité de la puissance publique à l’égard de ces groupements n’était sans doute pas encore venue : elle interviendrait par la substitution d’un titre IV à l’article 12 de la loi par le décret-loi du 12 avril 1939.
24La loi de 1901 joue donc souvent la musique d’une reprise en imitation de la jurisprudence antérieure et la jurisprudence postérieure saura interpréter l’œuvre législative en scandant les mêmes rythmes, quitte à les accentuer çà et là. La loi a consacré la jurisprudence et, en réponse, la jurisprudence a su consacrer la loi.
LA CONSECRATION DE LA LOI DE 1901 PAR LA JURISPRUDENCE
25Nous voici revenus un siècle après 1901 pour tenter de dresser un nouveau bilan du dialogue entre le législateur et le juge. Quels éléments se dégagent de l’évolution jurislative ? Au risque d’une légère caricature (mais la caricature ne ment pas, elle ne fait que forcer les traits), il est permis d’avancer que ce sont les aspects libéraux de la loi qui ont été renforcés par l’œuvre décisive du préteur. Le juge a, globalement, au fil du temps, accentué le libéralisme du texte et consacré ces avancées en les rendant insusceptibles de remise en cause législative.
L’accentuation du libéralisme de la loi
26La lecture de la loi opérée par le juge a-t-elle toujours été favorable à la liberté ? Le bilan globalement positif annoncé ne peut cependant pas faire l’économie d’une distinction entre les régimes de droit commun et les régimes d’exception. Si le constat est patent pour les premiers, il reste plus nuancé pour les seconds.
Les notables avancées des régimes de droit commun
27Choisissant d’aller à l’essentiel, c’est l’application de l’article 6 de la loi qui retiendra notre attention. Cet article détaille, l’on s’en souvient, la capacité des associations déclarées, c’est-à-dire, du régime censé être le véritable droit commun. Que constatons-nous ? Les silences du texte ont fait l’objet d’une indéniable bienveillance dans l’interprétation du juge.
• 38 En particulier le rejet de l’amendement Baron, Journal officiel, Débats. Chambre des députés, 5 fév (...)
• 39 Article 9 de la loi de finances du 31 décembre 1935 qui assujettit les apports immobiliers faits au (...)
• 40 Cass. 19 novembre 1940, S.1943.1.9 note Gény ; Orléans 19 février 1986, J.A. 1986 n° 24.34 note Del (...)
28Ainsi, en matière de droits patrimoniaux, nous savons que les libéralités sont interdites aux associations déclarées pour rester le privilège des associations reconnues d’utilité publique. Mais que faire pour les apports, c’est-à-dire pour les biens dont la propriété, totale ou partielle, est concédée pendant un temps, et très souvent pour toute la durée de l’existence de l’association ? Si cette faculté d’apporter aux associations déclarées est acceptée, ce peuvent être des immeubles ou des fortunes qui se trouveront annexés au patrimoine social. L’article 6 de la loi n’en dit mot et le rejet de divers amendements lors de son élaboration inclinait à établir l’impossibilité d’un tel acte38. Mais le juge, rejoint par la loi fiscale39, reconnut cette possibilité au-delà de toute espérance puisque le droit de reprise peut être abandonné par l’apporteur40. Les apports se trouvent ainsi très proches des libéralités. Et même, en cas de doute sur la nature juridique de l’acte qui vaut à l’association de jouir d’un bien (commodat, apport ou don manuel), c’est au demandeur qu’incombera la tâche de prouver son droit sur la chose... Voilà que le don manuel valide en vient à être présumé !
• 41 La question apparaît très tôt : les quêtes sont des collectes de dons manuels, Bourges 29 novembre (...)
• 42 Civ. I 23 mai 1977, D. 1978.89 note Jeantin. Une jurisprudence récente accepte même qu’un tableau p (...)
• 43 Loi n° 87-571 du 23 juillet 1987. La loi fiscale valorise désormais ce mécénat populaire auprès des (...)
29La jurisprudence relative aux dons manuels est aussi remarquable : le don manuel est la libéralité faite de la main à la main qu’une jurisprudence ancienne, quoique contestée, avait dispensé d’autorisation administrative préalable41. Là encore, le silence de la loi de 1901 vaut aux associations déclarées le droit d’en bénéficier quasiment contra legem : des lingots d’or, des œuvres d’art, des fortunes peuvent être remises par simple tradition. Et mieux encore, la jurisprudence adapte sa théorie aux moyens modernes : un chèque, un virement automatique de compte à compte équivalent à un don manuel42. Le juge, une nouvelle fois, devance ici le législateur qui inscrira expressément cette faculté dans l’article 6 de la loi en 198743.
• 44 Pour les jurisprudences de principe voir C.E. 21 décembre 1906, Syndicat des propriétaires et contr (...)
• 45 Ainsi les associations familiales défendent-elles les intérêts de la famille, les associations de c (...)
• 46 Il est ainsi notable de voir le juge pénal, et même l’intransigeante chambre criminelle de la Cour (...)
• 47 C.E. 21 mars 1919, Rogier, Association mayennaise pour la protection des veuves et orphelins de la (...)
30En matière de droit à ester, la possibilité pour un groupement d’assurer la défense de ses membres, l’action corporative, est reconnue assez rapidement tant par le juge civil que par le juge administratif sans toutefois pouvoir prétendre à un accès au juge aussi général que celui dont jouissent les syndicats du fait de leur qualité légale de représentants de la profession44, ou aussi profond que telle association spécialement habilitée qui devient le procureur de telle ou telle infraction45. Pourtant, en matière d’action civile, on vit parfois le juge anticiper sur la lettre des lois46. De même, comment ne pas évoquer la remarquable acceptation par le juge administratif du droit d’engager le recours pour excès de pouvoir par des associations non déclarées47 ? Ces constructions prétoriennes, praeter sinon contra legem, offrent un panorama très plaisant de l’histoire de l’application de la loi. Mais nous n’avons pour l’instant évoqué que les régimes de droit commun, régimes délibérément placés sous les auspices d’un principe de liberté. Le constat d’une accentuation du libéralisme serait donc bien plus remarquable pour les régimes d’exception, mais le bilan, sur ce point, est nuancé.
Les jurisprudences circonstanciées des régimes d’exception
31En cette matière, moins que l’audace libérale des juridictions, c’est le remarquable conformisme social des arrêts qu’il faut saluer. Selon l’air du temps, les atteintes exceptionnelles à la liberté de droit commun furent plus ou moins violentes.
• 48 Ne vit-on pas le ministre de l’Intérieur répondre à un parlementaire que si le régime d’autorisatio (...)
• 49 C.E. sect. 22 avril 1955, Association franco-russe dite Roussky-Dom, R.A. 1955.404 concl. Heumann, (...)
32Le parcours du régime des associations étrangères reste singulier. Il n’y eut pas de contentieux basé sur l’article 12 initial de la loi puisque cet article ne fut jamais appliqué. Par contre, une fois le titre IV inséré à partir de 1939, la suspicion généralisée vis-à-vis des associations étrangères, c’est-à-dire des associations sises à l’étranger, composées majoritairement ou dirigées en droit, voire en fait, par des étrangers, se développa. Malgré une faible effectivité de la règle et un réel arbitraire dans son application par l’Administration48, le juge administratif et le juge criminel sanctionnèrent jusqu’à la fin avec vigueur ce rigoureux régime49.
• 50 La circulaire Malvy suspend l’application des lois anticongréganistes le 2 août 1914. Les actes dit (...)
33La jurisprudence en matière congréganiste est plus intéressante, car, après les fureurs du début du siècle, le silence de l’entre-deux guerres, vint, après la Seconde Guerre mondiale, le temps de la bienveillance. Il est vrai que les deux conflits mondiaux apportèrent l’un la tolérance de fait, l’autre la paix juridique sur la question du délit de congrégation50. Il y eut donc renversement complet de l’attitude de la jurislation.
• 51 Crim. 1er mai 1903, D. 1903.1.385 rapport Dumas concl. Baudoin.
• 52 C.E. 20 mars 1908, Société de Marie, D.1909.3.97 concl. Tardieu, R.D.P.1910.499 note Guillois et Si (...)
• 53 Parmi de multiples exemples : Crim. 9 juillet 1903, D.1904.1.574 ; Req. 13 novembre 1906, D.1911.5. (...)
34Au début du siècle, les juridictions répondirent aux attentes du cabinet Combes pour porter la lutte contre les congrégations. La définition attendue de la congrégation est ici tout à fait révélatrice de cet état d’esprit de combat. Le juge caractérise le délit congréganiste sans tenir pour déterminant aucun indice particulier : les vœux, par exemple, n’emportent pas à eux seuls la qualification. Le maintien et la reconstitution d’une congrégation illicite sont prouvés par un faisceau d’indices51. Peu importe qu’une congrégation ou un établissement ait été reconnu d’utilité publique52. Il importe encore moins qu’il n’y ait pas congrégation au sens du droit canonique : la qualification juridique est laïcisée, les actes de sécularisation ne sont pas à eux seuls probants pour empêcher la poursuite pénale53.
• 54 Civ. 10 juin 1912, D. 1913.1.465 ; la loi du 7 juillet 1904 préserve de son côté les noviciats pour (...)
• 55 T. civ. Tunis 1er avril 1950, D. 1951.777 note Luchaire.
35Mais, parfois, dès cette époque, l’autonomie de la qualification juridique des congrégations permit à certaines d’être protégées. Il est ainsi notable que la situation des établissements congréganistes dans les colonies fut traitée avec mansuétude. Tous les jurislateurs eurent soin de ménager ces ambassades religieuses de la culture française54. De même, vit-on, après la Seconde Guerre mondiale, le juge civil accepter la possibilité de libéralités pour des établissements congréganistes non autorisés au Maghreb français55.
• 56 T. civ. Meaux 23 avril 1952, D. 1952.431 ; Rennes 2 février 1953, D.1953.230, R.T.D.C.1953.565 note (...)
• 57 Il n’y eut ni appel ni pourvoi en cassation. T.G.I. Seine 7 février 1964, R.T.D.C. 1964.774 note Sa (...)
36Dans les années 1950-1960, le renversement au profit d’une attitude franchement libérale vis-à-vis des congrégations de fait (elles ne sont plus illicites) est patent. Le droit d’ester pour défendre un certain patrimoine leur est reconnu56. Et même, le tribunal de Paris accepte, en 1964, l’inimaginable : un legs adressé à la maison-mère des Frères des écoles chrétiennes, congrégation a priori dénuée de capacité, est valable comme étant fait solidairement à l’ensemble des congréganistes. En un mot, l’application des présomptions d’interposition de l’article 17 de la loi, toujours en vigueur, est écartée sans autre forme de procès57.
37En somme, depuis qu’en 1981, le régime des associations étrangères a disparu, l’œuvre du juge peut être résumée à une progression générale vers l’accentuation des caractères libéraux de la loi, accentuation d’autant plus profonde, que certaines de ses dispositions se trouvent définitivement consolidées par lui.
La protection du libéralisme de la loi
• 58 C.E. sect. 5 novembre 1965, Fédération nationale de sauvetage, Fédération française de sauvetage et (...)
38Il peut sembler sacrilège, en droit français, de suggérer que certains traits de la loi de 1901, fussent-ils libéraux, ont été définitivement consolidés par le juge. Comment un juge pourrait-il se placer au-dessus des lois ? Il doit leur être soumis. Rien, a priori, dans la loi de 1901, ne se trouve à l’abri d’une réforme législative : ce qu’une loi peut faire, une autre peut le défaire et la jurisprudence devra se soumettre à cette nouvelle volonté58. Ce serait pourtant oublier qu’en droit français la loi n’est plus la norme incontestable qu’elle était encore voilà peu. Au-dessus d’elle, la Constitution et les conventions internationales sont venues défendre le principe de liberté d’association. Les juges ont donc pu travailler à l’exaltation de certaines parties de la loi, soit en se basant sur des dispositions constitutionnelles, soit sur des normes conventionnelles.
La protection constitutionnelle de la loi
• 59 Civ. I 24 octobre 1977, J.C.P. 1979. II.19157 note Pacteau.
39Il faut ici faire mémoire de l’action prétorienne bien connue qui a permis au juge administratif puis au Conseil constitutionnel de la Ve République de devenir les garants de l’intangibilité, au moins partielle, du texte de 1901. La jurisprudence judiciaire est ici moins intéressante car, si la théorie de la voie de fait lui permet de caractériser la liberté d’association comme une liberté fondamentale59, il n’en résulte pas directement une protection particulière de certaines dispositions de la loi de 1901.
• 60 Pour l’évolution d’ensemble : C.E. 1er février 1950, Girard, R.768 ; C.E. ass. 11 juillet 1956, Ass (...)
• 61 C.C. 16 juillet 1971 n° 71-44 DC, A. J.D.A. 1971.537 note Rivero, R.D.P.1971.1171 note Robert, G.D. (...)
• 62 Après avoir un temps imaginé le rétablissement d’un contrôle administratif préventif pour vérifier (...)
40Après la Seconde Guerre mondiale, le juge administratif avait commencé à « découvrir », à « inventer » (comme on invente un trésor), des principes généraux du droit sans se référer à une disposition textuelle. Puis, vint ce préambule de la Constitution de la IVe République, qui rendait solennellement hommage aux « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » sans les nommer. Le Conseil d’État, le premier, proclama avec force que la liberté d’association était l’un de ces principes et qu’elle avait valeur constitutionnelle60. Il ouvrait ainsi la voie à son voisin du Palais Royal : le 16 juillet 1971, le Conseil constitutionnel franchissait le Rubicon en acceptant de vérifier la constitutionnalité des lois à l’aulne non plus seulement de règles formelles ou procédurales, mais des textes figurant au préambule de la Constitution de la Ve République : rien de moins que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le préambule de 1946 et donc, au sein de celui-ci, tous les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République61. Le Conseil constitutionnel osait censurer la loi déférée en 1971 en se plaçant sur ce terrain inédit : la loi de 1901 devait être tenue comme l’une de ces grandes lois qui assoient un principe fondamental, celui de liberté d’association. Le législateur ne peut plus y contrevenir en rétablissant un quelconque contrôle préalable de la déclaration des associations ordinaires62.
41Quelles sont alors les parties de la loi de 1901 qui se trouvent ainsi protégées par le principe constitutionnel de liberté d’association ? À s’en tenir aux seules indications claires de la jurisprudence, il n’est que deux acquis :
• 63 C.C. 16 juillet 1971 ; T.A. Paris 25 janvier 1971, Dame de Beauvoir et Sieur Leiris, J.C.P.1971. II (...)
• 64 C.C. 9 avril 1996 n° 96-373 DC, R. D.P.1996.953 chron. Luchaire, RF. D.C. 1996.584 note Tremaux, Ro (...)
– la procédure de déclaration des associations de droit commun est notablement protégée : récépissé doit être donné par l’autorité préfectorale, même en cas de doute sur la licéité de l’objet63, de sorte qu’une personnalité morale, même limitée, reste toujours accessible. La procédure de déclaration doit se faire sur tout le territoire français auprès du représentant de l’État, les jurisprudences du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel sont à l’unisson sur ce point précis et peu évident64.
– en 1971, le Conseil constitutionnel a fait valoir que le principe fondamental trouve une limite quant à « certaines catégories particulières d’associations ». Notre seconde certitude est donc une devinette : certaines associations (mais lesquelles ? les congrégations ? les associations d’Alsace-Moselle ? feu les associations étrangères ?) peuvent être soumises à un régime juridique plus rigoureux...
42La révolution opérée par le Conseil constitutionnel en 1971, en faisant siennes les avancées du Conseil d’Etat, est donc riche, mais guère en certitudes précises sur les articles de la loi qui se trouvent exaltés à un plan supra-législatif. Les jurisprudences d’application des conventions internationales protégeant la liberté d’association sont-elles d’un meilleur enseignement ?
La protection conventionnelle de la loi
• 65 Les Pactes de New-York qui protègent aussi la liberté d’association et la liberté syndicale sont ra (...)
• 66 Civ. III 16 mars 1994 et Civ. I 3 mai 1995, J.C.P. 1995. II.22464 note Boré.
• 67 C.E.D.H. 30 avril 1999, Chassagnou et autres c/France, A.J.D.A. 1999.922 note Priet, R.F.D.A. 1999. (...)
• 68 La prohibition des engagements perpétuels, même atténuée, se trouve inscrite à l’article 4 de la lo (...)
• 69 C.E.D.H. 10 juillet 1998, Sidiropoulos et autres c/Grèce.
• 70 C.E.D.H. 30 janvier 1998, Parti communiste unifié de Turquie c/Turquie, C.E.D.H. 25 mai 1998, Parti (...)
43Ce sont les jurisprudences issues des traités européens qui donnent matière à réflexion65. En premier lieu, l’article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales protège explicitement la liberté d’association. La Cour européenne et les juridictions françaises peuvent en être saisies. Mais, à notre connaissance, jamais encore la loi de 1901 ne fut contestée pour son éventuelle inconventionnalité. Au contraire, elle a été protégée indirectement quand la Cour de Strasbourg a refusé de faire siennes les jurisprudences, d’ailleurs légèrement divergentes selon les chambres, de la Cour de cassation, à propos des associations communales de chasse agréées (ACCA)66. La loi Verdeille a été condamnée, entre autres, pour son inconventionnalité vis-à-vis de la liberté d’association67 : l’obligation d’adhérer et de demeurer adhérent, même contre son gré, à une ACCA n’est pas admissible. Pour le reste, les quelques jurisprudences strasbourgeoises relatives à d’autres législations européennes ne font, pour l’essentiel, que reprendre et exalter des principes que le juge français avait déjà pu déduire des dispositions de la loi de 1901 : en particulier, le principe de liberté négative d’association68. Très récemment encore, la Cour européenne a même semblé mettre ses pas dans ceux du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel en reprenant l’idée de l’interdiction du refus administratif préalable à l’acquisition par l’association de la personnalité morale69. Même en cas de doute fondé sur l’adéquation du projet social avec l’ordre public, la liberté d’association exige un contrôle répressif et non préventif. La défense de la personnalité morale opérée par la Cour européenne se traduit encore par le strict contrôle de conventionnalité des dissolutions forcées70.
• 71 C.J.C.E. 15 décembre 1995 n° C-415/93, Union royale belge des sociétés de football association et a (...)
• 72 C.J.C.E. 29 juin 1999 n° C-172/98, Commission des Communautés européennes c/Royaume de Belgique :
« (...)
44En second lieu, la Cour de justice des Communautés européennes a découvert, elle aussi, que la liberté d’association constitue un principe général du droit communautaire71. En 1999, elle a même eu l’occasion de sanctionner la législation belge qui soumettait les sociétaires et les groupements étrangers à un régime discriminatoire72. Mutatis mutandis, feu le régime français des associations étrangères se trouve ainsi condamné à titre posthume.
45Jusqu’où ce nouveau dialogue entre le législateur et le juge, dont l’enjeu n’est plus simplement l’interprétation plus ou moins libérale de la loi, mais bien l’exaltation de certaines de ses dispositions au plan supra-législatif, peut-il nous mener ? On ne saurait exactement l’établir pour l’instant. Sans qu’il soit besoin d’attendre une éventuelle acclimatation en France de l’exception d’inconstitutionnalité, la question iconoclaste de l’insuffisante protection du principe fondamental de liberté d’association par la loi de 1901, c’est-à-dire par la loi qui l’a solidement instaurée comme principe dans notre droit, peut se trouver posée devant les juridictions européennes. En guise de conclusion, pourquoi ne pas suggérer deux problématiques qui n’ont pas encore été clairement abordées par le juge et qui pourraient nourrir un contentieux surprenant :
• 73 C.E.D.H. 10 juillet 1998, Sidiropoulos et autres c/Grèce ; C.E.D.H. 9 décembre 1994, Les saints mon (...)
• 74 La Cour a déjà expressément établi que le contrôle de constitutionnalité des lois opéré par le Cons (...)
– quelle est l’exacte dimension patrimoniale de la liberté d’association ? Autrement dit, la liberté d’association exige-t-elle que le corps dispose d’un minimum incompressible d’individualité, voire de personnalité juridique ? Certaines jurisprudences de la Cour européenne des droits de l’homme invitent à le penser73. Peut-on donc critiquer le fait que les associations non déclarées soient réduites à l’indivision pour posséder ? Ou bien encore, la capacité définie par l’article 6 de la loi pour les associations déclarées, même améliorée par les apports bienveillants de la jurisprudence, est-elle suffisante ?
– question plus âpre : le principe constitutionnel d’égalité ou le principe conventionnel de non discrimination rend-il tolérable le maintien de régimes juridiques exorbitants du droit commun ? Par exemple, le titre III de la loi sur les congrégations est-il vraiment tenable ? On objectera que d’un point de vue constitutionnel, les congrégations font sans doute partie des « catégories particulières » d’associations visées par la décision de 1971, et, qu’à ce titre, leur régime légal plus rigoureux est accepté. Même si cela était le cas, qu’en diraient les juges de Luxembourg et de Strasbourg ? Ils ne sont ni l’un ni l’autre liés par l’interprétation des juges constitutionnels des États et peuvent parfaitement condamner l’inconventionnalité de leurs raisonnements74. La question est donc plus ouverte qu’il n’y paraît.
46Le dialogue entre la loi et la jurisprudence a permis d’écrire en 1901 le texte que nous célébrons aujourd’hui et de l’interpréter, un siècle durant, en en soulignant et solidifiant les aspects libéraux. Mais le développement d’une œuvre prétorienne audacieuse au plan supra-législatif renouvelle profondément l’intérêt de ce dialogue, tant il est vrai que le centre d’impulsion de la production jurislative semble aujourd’hui se déplacer vers le plan européen.
NOTES
1 Journal officiel, Débats. Chambre des députés, 28 juin 1901, p. 1664.
2 Cet article s’appuie sur les recherches menées à l’occasion d’une thèse de doctorat en droit soutenue, le 30 octobre 2000, à l’Université Paris II-Panthéon-Assas sous la direction de Jean Morange : Une grande loi de la Troisième République : la loi du 1er juillet 1901.
3 Voir, entre autres, P. CAILLE, Les associations laïques devant la loi nouvelle, thèse, Paris, Arthur Rousseau, 1902, 131 p. ; – R. DELAMARRE, Les congrégations religieuses selon la loi du 1er juillet 1901, thèse, Paris, 1902, Jouve, 1902, 248 p. ; – R. EYQUEM, Essai sur la capacité des associations civiles après la loi du 1er juillet 1901, thèse, Bordeaux, Cadoret, 1903, 302 p. ; – H. HAYEM, Domaines respectifs de l’association et de la société, thèse, Paris, Arthur Rousseau, 1907, 448 p.
4 Outre les périodiques telle la revue bimensuelle Juris associations ou les mises à jour des classeurs Lamy associations, plusieurs ouvrages font référence : R. BRICHET, Associations et syndicats, Paris, Litec, 6e éd., 1992, 713 p. ; – A.-S. MESCHERIAKOFF, M. FRANGI et M. KDHIR, Droit des associations, Paris, PUF droit fondamental, 1996, 335 p.
5 Selon le mot très juste du Professeur Chapus.
6 Article 11 du projet du 14 novembre 1899 :
« Les associations qui voudront obtenir le privilège de la personnalité civile devront être reconnues par décrets rendus en la forme de règlements d’administration publique. Tout ce qui concerne leur fonctionnement sera soumis aux règles actuellement en vigueur sur la matière ».
7 Journal officiel, Débats. Chambre des députés, 4 février 1901, p. 284.
8 Voir, par exemple, l’emblématique « Procès des treize », Crim. 11 février 1865, Duvergier (abrégé par la suite en D.) 1865.1.91 rapport Legagneur, Sirey (abrégé par la suite en S.) 1865.1.145.
9 L’article 4 al. 1 du projet de 1899 (« Toute convention d’association devra être rendue publique par les soins de ses fondateurs. ») devient article 5 al. 1 :
« Toute association qui voudra obtenir la capacité juridique devra être rendue publique par les soins de ses fondateurs ».
10 Par une jurisprudence traditionnelle, le juge administratif considérait que l’article 910 du Code civil, exigeant une autorisation administrative pour les libéralités, s’appliquait à tous les « établissements d’utilité publique », c’est-à-dire les établissements publics, personnes morales publiques, comme les associations reconnues d’utilité publiques (et même les fondations), personnes morales privées.
11 Les premières illustrations datent de la moitié du XIXe siècle : Req. 20 février 1844, D.1844.1.14, S.1844.1.302 ; Civ. 21 mai 1850, D.1851.1.124 pour une société d’arrosage.
12 Voir, par exemple, l’affaire de la Société hippique de Cavaillon, Req. 2 janvier 1894, D.1894.1.81 rapport Cotelle réquisitions Robinet de Cléry note L. C., S.1894.1.129 note Lyon-Caen.
13 Sans même parler ici de la question de l’interposition au profit de congrégations illicites.
14 Par exemple Rodez 6 février 1892, D.1894.2.329 ; Montpellier 17 avril 1893, D.1894.2.329.
15 Cour des comptes 28 septembre 1960, Riehl et Krauskopf, GAJF.
16 Voir la liste des différents textes visés pour leur maintien ou leur abrogation, totale ou partielle, par l’article 21 de la loi de 1901. Pour les associations religieuses, voir les différentes lois fiscales visant à réduire la mainmorte congréganiste, dites lois Brisson (lois du 28 décembre 1880, du 29 décembre 1884 et du 16 avril 1895).
17 L’autorisation des congrégations féminines devait être donnée par une loi (ordonnance du 2-4 avril 1817 ; loi des 24 mai-2 juin 1825), puis, par exception, par simple décret (décret-loi du 31 janvier 1852). Les congrégations d’hommes restaient, sauf dérogation expresse, interdites depuis le célèbre décret du 3 messidor an XII.
18 Tout particulièrement sous la Restauration et le Second Empire, pour favoriser le développement de l’instruction primaire et secondaire, même si des épisodes de rejet des congrégations non autorisées existent (en particulier contre les Jésuites). Dans une circulaire du 6 mars 1860, le ministre de l’Instruction Rouland s’exprime ainsi :
« L’Empereur a cru devoir, dans un loyal esprit de tolérance et de bien public, ne pas fermer la France aux congrégations religieuses d’hommes, prohibées comme telles par nos lois spéciales. Mais en favorisant ainsi le tranquille développement d’œuvres vraiment chrétiennes, il n’a pu entendre que l’hospitalité donnée dépasserait la mesure qui est convenable et utile et que ces congrégations pourraient s’étendre abusivement (...) ».
19 La jurisprudence abonde, par exemple Req. 26 février 1849, D.1849.1.44 rapport Mesnard, 5.1849.1.245. La conséquence ultime de l’inexistence de la congrégation peut d’ailleurs lui être favorable : elle n’est pas susceptible d’être ès qualités poursuivie devant les tribunaux : T. Seine 3 avril 1857, D.1858.2.49.
20 On lui reconnaît en particulier une personnalité passive pour échapper à l’impunité si sa responsabilité est mise en cause : Civ. 30 décembre 1857, D.1858.1.21, 5.1858.1.225.
21 De la même manière, on accepte qu’une congrégation non autorisée puisse ester pour revendiquer un bien qui lui aurait été dérobé : Cass. 6 juin 1845, D. 1845.1.478, 5.1845.1.478 ; l’Administration tolère parfois que des congrégations non autorisées reçoivent des libéralités pour leurs œuvres vis-à-vis des pauvres : Avis C.E. 7 décembre 1858 et les juridictions judiciaires admettent aussi quelques libéralités et/ou le principe d’une certaine individualité patrimoniale du groupement : voir l’affaire Parabère Alger 27 mai 1869 et Req. 1er juin 1869, D.1869.1.312.
22 Outre l’affaire Parabère, voir, par exemple Req. 19 juillet 1882, D. 1882.1.451.
23 L’ancien Code pénal semblait pourtant favorable aux congréganistes en disposant que le décompte des vingt affiliés ne pouvait prendre en considération les personnes habitant sous un même toit, mais étaient-ce seulement les gens de maison qui avaient ainsi été protégés ?
24 Voir sur l’ensemble de la question T. Paris 8 juillet 1832 ; Caen 20 juillet 1846 ; T. corr. Seine 24 janvier 1900 ; Paris 6 mars 1900 ; – E. MAISONNABLE, Du droit pour les membres des congrégations non autorisées de vivre en commun, thèse, Paris, Larose, 1901, 155 p.
25 Voir son célèbre discours lors du débat général Journal officiel, Débats. Chambre des députés, 21 janvier 1901, p. 113 qui caractérise implicitement les congrégations comme contraires à l’ordre public.
26 Journal officiel, Débats. Chambre des députés, 27 mars 1901, p. 971.
27 L’article 18 al. 2 de la loi dissout de plein droit les congrégations qui n’auraient pas fait les démarches d’autorisation dans le délai de trois mois et l’article 16 réprime la création ou la reconstitution d’une congrégation sans autorisation.
28 L’article 14 de la loi de 1901 interdit d’enseignement les congréganistes non autorisés. La loi du 7 juillet 1904 supprimera radicalement les congrégations enseignantes.
29 Article 17 de la loi. Certains auteurs ont pu voir ici une résurgence de la sanction juridique de la mort civile des religieux.
30 Voir note 16.
31 Journal officiel, Débats. Sénat, 19 juin 1901, p. 944.
32 Crim. 16 mai 1873, D.1873.1.217 ; Crim. 21 juin 1873, D.1873.1.270 ; pour un refus de l’individualité de l’Association internationale des travailleurs avant la loi de 1872 : Cass. 12 novembre 1868, S. 1869.1.43.
33 C.E. 1er avril 1887, Société musicale L’harmonie du commerce de Saint-Germain-en-Laye et C.E. 2 décembre 1887, Société de l’union musicale de Rugles, D.1888.3.129.
34 Ce qui ne faisait que rejoindre des questions de droit commun pour les associations sans personnalité juridique, voire le problème général de l’interposition s’il s’agissait d’une congrégation étrangère, ainsi C.E. 14 juillet 1819, D.1856.3.16.
35 Article 12 al. 1er :
« Les associations composées en majeure partie d’étrangers, celles ayant des administrateurs étrangers ou leur siège à l’étranger, et dont les agissements seraient de nature soit à fausser les conditions normales du marché des valeurs ou des marchandises, soit à menacer la sûreté intérieure ou extérieure de l’État, dans les conditions prévues par les articles 75 à 101 du code pénal, pourront être dissoutes par décret du Président de la République, rendu en conseil des ministres ».
36 Les députés d’extrême gauche se méfiaient fortement de l’application qui pourrait être faite de cet article, le député Vaillant, défendant son amendement de suppression lors de la dernière séance à la Chambre, s’écriait ainsi :
« Cette association internationale qu’on vise, c’est la nôtre, c’est l’association des socialistes qui ont toujours déclaré et ne l’ont jamais caché, qu’ils ne constituaient pas une association nationale pour la défense et la conquête de la république socialiste, mais une association des socialistes dans tous les pays », (Journal officiel, Débats. Chambre des députés 28 juin 1901 p. 1653).
37 L’idée d’une dissolution administrative spéciale pour les associations étrangères avait été avancée dans certains projets ou propositions de loi antérieurs relatifs à la liberté d’association.
38 En particulier le rejet de l’amendement Baron, Journal officiel, Débats. Chambre des députés, 5 février 1901, p. 317.
39 Article 9 de la loi de finances du 31 décembre 1935 qui assujettit les apports immobiliers faits aux associations aux impôts de droit commun des sociétés.
40 Cass. 19 novembre 1940, S.1943.1.9 note Gény ; Orléans 19 février 1986, J.A. 1986 n° 24.34 note Delsol.
41 La question apparaît très tôt : les quêtes sont des collectes de dons manuels, Bourges 29 novembre 1831, 5.1832.2.79 ; Req. 26 novembre 1833, S.1834.1.57.
42 Civ. I 23 mai 1977, D. 1978.89 note Jeantin. Une jurisprudence récente accepte même qu’un tableau puisse avoir été donné manuellement... sans être déplacé ni remis à l’association ! : un reçu est accepté comme preuve du don manuel, Toulouse 5 mai 1999, J.A.2000 n° 214.7 note Sevino.
43 Loi n° 87-571 du 23 juillet 1987. La loi fiscale valorise désormais ce mécénat populaire auprès des associations philanthropiques, des partis politiques, des syndicats et même des Églises par des réductions d’impôt.
44 Pour les jurisprudences de principe voir C.E. 21 décembre 1906, Syndicat des propriétaires et contribuables du quartier Croix-de-Seguey-Tivoli, R.962 concl. Romieu, GAJA ; C.E. 28 décembre 1906, Syndicat des patrons coiffeurs de Limoges, R.977 concl. Romieu, GAJA ; Ch. Réu. 15 juin 1923, D.1924.1.153 concl. Mérillon note Rolland, S.1924.1.49 rapport Boulloche note Chevagrin.
45 Ainsi les associations familiales défendent-elles les intérêts de la famille, les associations de consommateurs agréées ceux des non professionnels, etc.
46 Il est ainsi notable de voir le juge pénal, et même l’intransigeante chambre criminelle de la Cour de cassation faire preuve à l’occasion de bienveillance dans l’acceptation de la recevabilité du recours de certaines associations : Colmar 10 février 1977, D. 1977.471 note Mayer ; Crim. 14 janvier 1971, D. 1971.102 rapport Chapar, G.P.1971.2.585 concl. Boucheron.
47 C.E. 21 mars 1919, Rogier, Association mayennaise pour la protection des veuves et orphelins de la guerre de 1914, Dame Boulenger, D. 1919.3.1 concl. Riboulet, R.D.P. 1919.518 note Guillois ; C.E. ass. 31 octobre 1969, Syndicat de défense des canaux de la Durance et Sieur Blanc, A.J.D.A. 1970.252 note Landon, C.J.E.G.1970.154 concl. Morisot.
48 Ne vit-on pas le ministre de l’Intérieur répondre à un parlementaire que si le régime d’autorisation stricte était le seul droit applicable, il pouvait donner lieu à des dérogations « fréquentes » s’agissant des associations étrangères communautaires ?, J.O.S.Q. 19 octobre 1979 Béranger n° 31767, R.T.D. Com. 1980.360 note Alfandari et Jeantin.
49 C.E. sect. 22 avril 1955, Association franco-russe dite Roussky-Dom, R.A. 1955.404 concl. Heumann, R.C.D.I.P.1957.34 note Laubadère ; Crim. 6 mars 1957, B. n° 227.385 ; pour un ultime contentieux sur un retrait d’autorisation : C.E. 19 octobre 1981, Association espagnole de l’Essonne Garcia Lorca, R.D.P.1982.1722.
50 La circulaire Malvy suspend l’application des lois anticongréganistes le 2 août 1914. Les actes dits lois des 3 septembre 1940 et 8 avril 1942, non remis en cause à la Libération, suppriment l’interdiction d’enseignement des congréganistes et le délit de congrégation.
51 Crim. 1er mai 1903, D. 1903.1.385 rapport Dumas concl. Baudoin.
52 C.E. 20 mars 1908, Société de Marie, D.1909.3.97 concl. Tardieu, R.D.P.1910.499 note Guillois et Sibert.
53 Parmi de multiples exemples : Crim. 9 juillet 1903, D.1904.1.574 ; Req. 13 novembre 1906, D.1911.5.3.
54 Civ. 10 juin 1912, D. 1913.1.465 ; la loi du 7 juillet 1904 préserve de son côté les noviciats pour les missions.
55 T. civ. Tunis 1er avril 1950, D. 1951.777 note Luchaire.
56 T. civ. Meaux 23 avril 1952, D. 1952.431 ; Rennes 2 février 1953, D.1953.230, R.T.D.C.1953.565 note Hebrard et Raynaud.
57 Il n’y eut ni appel ni pourvoi en cassation. T.G.I. Seine 7 février 1964, R.T.D.C. 1964.774 note Savatier.
58 C.E. sect. 5 novembre 1965, Fédération nationale de sauvetage, Fédération française de sauvetage et de joutes et Fédération française de natation, R.580, une association sportive peut se voir imposer des obligations statutaires non prévues dans la loi de 1901 parce qu’un autre texte de valeur législative (ici l’ordonnance du 28 août 1945 sur le sport) le permet.
59 Civ. I 24 octobre 1977, J.C.P. 1979. II.19157 note Pacteau.
60 Pour l’évolution d’ensemble : C.E. 1er février 1950, Girard, R.768 ; C.E. ass. 11 juillet 1956, Association Amicale des Annamites de Paris et Sieur Nguyen-Duc-Frang, A.J.D.A.1956.2.375 et 400 note Fournier et Braibant ; C.E. ass. 24 janvier 1958, Association des anciens combattants et victimes de guerre du département d’Oran, R.58.
61 C.C. 16 juillet 1971 n° 71-44 DC, A. J.D.A. 1971.537 note Rivero, R.D.P.1971.1171 note Robert, G.D.C.C.
62 Après avoir un temps imaginé le rétablissement d’un contrôle administratif préventif pour vérifier que des groupements dissous ne se reconstituaient pas, la loi Marcellin, adoptée par l’Assemblée, confiait cet examen au juge civil, mais le Conseil censura en considérant que :
« la constitution d’associations, alors même qu’elles paraîtraient entachées de nullité ou auraient un objet illicite, ne peut être soumise pour sa validité à l’intervention préalable de l’autorité administrative ou même de l’autorité judiciaire ».
63 C.C. 16 juillet 1971 ; T.A. Paris 25 janvier 1971, Dame de Beauvoir et Sieur Leiris, J.C.P.1971. II.16828 note anonyme.
64 C.C. 9 avril 1996 n° 96-373 DC, R. D.P.1996.953 chron. Luchaire, RF. D.C. 1996.584 note Tremaux, Roux et Renoux ; C.E. ass. 29 avril 1994, Haut-Commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, R.F.D.A.1994.947 concl. Denis-Linton note Agniel, D. 1995.242 note Orfila.
65 Les Pactes de New-York qui protègent aussi la liberté d’association et la liberté syndicale sont rarement invoqués par les plaignants et leur garantie n’est pas plus large que celle offerte par la Convention européenne des droits de l’homme. Quant à la Convention internationale des droits de l’enfant qui proclame aussi la liberté d’association, les juridictions françaises sont rétives à en accepter l’applicabilité directe : Civ. I 10 mars 1993, D. 1993.361 ; J.C.P.1993. I.3677 chron. Neirinck et Martin ; C.E. 29 juillet 1994, Abdelmoula, A.J.D.A.1994.841 concl. Denis-Linton.
66 Civ. III 16 mars 1994 et Civ. I 3 mai 1995, J.C.P. 1995. II.22464 note Boré.
67 C.E.D.H. 30 avril 1999, Chassagnou et autres c/France, A.J.D.A. 1999.922 note Priet, R.F.D.A. 1999.451.
68 La prohibition des engagements perpétuels, même atténuée, se trouve inscrite à l’article 4 de la loi de 1901. Voir Civ. I 23 février 1960, D.1961.55 note Fr. G. ; C.E.D.H. 30 juin 1993, Sigurjónsson c/Islande, D.1994.181 note Marguenaud.
69 C.E.D.H. 10 juillet 1998, Sidiropoulos et autres c/Grèce.
70 C.E.D.H. 30 janvier 1998, Parti communiste unifié de Turquie c/Turquie, C.E.D.H. 25 mai 1998, Parti socialiste c/Turquie, D. 1998. S.372 note Perez.
71 C.J.C.E. 15 décembre 1995 n° C-415/93, Union royale belge des sociétés de football association et autres c/Bosman et autres.
72 C.J.C.E. 29 juin 1999 n° C-172/98, Commission des Communautés européennes c/Royaume de Belgique :
« il y a lieu de considérer que, en exigeant la présence, selon le cas, d’un associé belge dans l’administration de l’association ou une présence minimale, de surcroît majoritaire, d’associés de nationalité belge pour la reconnaissance de la personnalité civile ou juridique d’une association, le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6 [devenu 12] du traité ».
73 C.E.D.H. 10 juillet 1998, Sidiropoulos et autres c/Grèce ; C.E.D.H. 9 décembre 1994, Les saints monastères c/Grèce ; il faut encore noter qu’un rapport de la Commission européenne des droits de l’homme du 6 juillet 1994, Union des athées c/France, opinion partiellement dissidente Shermers et Liddy, opinion partiellement dissidente Soyer, Martinez et Conforti, jette le doute sur la conventionnalité de l’interdiction des libéralités pour les associations déclarées.
74 La Cour a déjà expressément établi que le contrôle de constitutionnalité des lois opéré par le Conseil constitutionnel français ne pouvait équivaloir au contrôle de conventionnalité qu’elle effectue : C.E.D.H. 28 octobre 1999, Zielinski et Pradal, Gonzalez et autres c/France, § 85.
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