lundi 27 janvier 2020

Qu’est-ce que la « retraite par points » proposée par Emmanuel Macron ? article du journal Le Monde 06 Avril 2017 ?


Qu’est-ce que la « retraite par points » proposée par Emmanuel Macron ?
« Un euro cotisé donne lieu aux mêmes droits pour tous. » Le candidat d’En marche ! veut réformer les régimes de retraites grâce à un système dit de « retraite par points ». De quoi s’agit-il ?
Par Eléa Pommiers  Publié le 06 avril 2017 à 19h03 - Mis à jour le 15 juin 2018 à 16h15
Les candidats rivalisent de mesures sur le système de retraite. Partir plus tôt pour Jean-Luc Mélenchon, plus tard pour François Fillon, donner des trimestres au conjoint pour Benoît Hamon… Les propositions sont nombreuses. Pour Emmanuel Macron, pas question de toucher à l’âge de départ à la retraite, ni au montant des pensions. Le candidat d’En Marche ! ambitionne de réformer le système de retraite dans son ensemble et d’instaurer un nouveau régime unique, appelé un peu hâtivement « retraite par points ».

Comment fonctionne le régime de retraite actuel ?

La France est réputée pour la complexité de son système de retraite, si bien qu’il est compliqué de parler « d’un » régime de retraite. Il existe des régimes différents, selon que l’on travaille pour le secteur privé ou dans la fonction publique, que l’on est salarié ou indépendant ; sans compter les divers régimes spéciaux (marins, clercs, SNCF, RATP, Comédie française, Banque de France…). En tout, le pays compte plus d’une trentaine de régimes, répartis entre régimes de bases et régimes complémentaires.
Malgré les différences qui existent entre chaque régime, ils sont globalement régis par trois grands principes du système de retraite :
  • il est obligatoire : toute personne qui travaille cotise pour la retraite, sans possibilité d’y déroger. Pour les salariés, ces cotisations sont prélevées sur le salaire brut et acquittées par l’employeur ;
  • c’est un système par répartition : les cotisations des actifs paient les pensions des retraités, dans une logique de solidarité intergénérationnelle. A l’inverse, dans un régime de retraite par capitalisation, chaque actif accumule un capital qui servira à payer sa propre retraite ;
  • il est « contributif » : les pensions de retraites sont proportionnelles au montant des cotisations versées durant la carrière. Chacun est obligé de cotiser durant une durée déterminée pour valider des « semestres » ou « annuités ». Si ces conditions sont remplies, un montant de pension est garanti (50 % du salaire moyen des 25 meilleures années de carrière dans le régime général, par exemple).

Que propose Emmanuel Macron ?

Le candidat d’En marche ! veut mettre fin à la multiplicité des régimes de retraite et créer un système unique avec les mêmes règles pour tous les travailleurs, quel que soit leur statut. L’objectif est de remédier à la complexité du système actuel, et aux inégalités qu’il génère dans les âges de départ à la retraite et sur le montant des pensions. Il n’est ni le seul ni le premier à envisager cette réforme. François Fillon porte également cette ambition dans la campagne présidentielle, et on cite souvent l’exemple d’Alain Juppé, qui avait voulu, en 1995, aligner les régimes de retraites – il avait alors provoqué les grèves les plus importantes depuis 1968.
Outre la création d’un système universel de retraite, Emmanuel Macron se distingue surtout en proposant la mise en œuvre d’un système de retraite proche du système « par points », où un euro cotisé ouvrirait les mêmes droits à tous. Il est le seul dans cette campagne, mais pas le premier : la réforme des retraites de Nicolas Sarkozy en 2010 prévoyait une réflexion nationale sur une « réforme systématique », qui inclurait une étude des « conditions de mise en place d’un régime universel par points ou en comptes notionnels, dans le respect du principe de répartition ».

Qu’est-ce qu’un régime de retraite par points ?

Dans un système par points, un actif cotise et accumule chaque année un certain nombre de points. Au moment de partir à la retraite, ce nombre total de point est converti en pension. Dans un régime par points classique, la pension est calculée en fonction d’une « valeur du point » valable pour tous (par exemple, 1 point = 1,25 euro). Tous les régimes complémentaires français fonctionnent actuellement sur ce modèle.
En réalité, un régime « des comptes notionnels » pour Macron
Même si sa proposition est souvent reprise sous l’appellation « retraite par points », Emmanuel Macron envisage en réalité un régime légèrement différent. Le candidat d’En marche ! préférerait un système dit « des comptes notionnels », appliqué notamment en Italie et en Suède. De quoi s’agit-il ? Dans ce système, on imagine que chaque actif dispose d’un « compte virtuel » sur lequel est versé l’ensemble de ses cotisations. C’est ce « capital virtuel » accumulé qui sera finalement transformé en pension de retraite grâce à un « coefficient de conversion ». Ce coefficient prend en compte deux facteurs : l’âge de départ à la retraite et l’espérance de vie de chaque génération au moment du départ. En divisant le capital virtuel accumulé par ce coefficient, on obtient le montant de l’annuité.

Concrètement, qu’est-ce que cela changerait par rapport au régime actuel ?

Ni le caractère obligatoire du système, ni le principe de la retraite par répartition ne seraient remis en cause. Le compte est bien virtuel et les cotisations des actifs paient toujours les pensions des retraités. L’ancien ministre de l’économie assure que cette réforme permettrait surtout une plus grande liberté dans la gestion des carrières puisque les changements de statuts seraient facilités. Il affirme également que les « accidents » de carrière ne seraient plus pénalisés car la durée de cotisation n’aurait plus d’importance. Seul le montant du « capital virtuel » accumulé déciderait du montant de la pension de retraite.
Emmanuel Macron précise par ailleurs qu’il maintiendrait l’âge légal de la retraite à 62 ans et le montant des pensions, mais cette promesse est toute relative. Elle serait sans doute vraie sur son éventuel quinquennat, puisque la réforme mettrait « environ dix ans » à entrer en œuvre. En revanche, une fois effective, le montant des retraites pourrait varier. Dans un régime par points, le montant des retraites n’est pas garanti (comme il l’est actuellement) puisqu’il varie en fonction de la « valeur du point » dans le système classique, ou du « coefficient de conversion » dans le système de comptes notionnels. En 2010, le Conseil d’orientation des retraites avait simulé un passage à la retraite par points mais avait souligné la difficulté à en évaluer les effets sur les pensions, qui dépendent notamment de la définition du coefficient.
En outre, le calcul du coefficient de conversion inciterait globalement à travailler plus longtemps :
  • il prend en compte l’âge de départ : plus une personne décide de prendre sa retraite tard, plus sa pension est élevée.
  • il prend aussi en compte l’espérance de vie de la génération à laquelle appartient l’assuré. Maintenir un niveau fixe de pension si l’espérance de vie augmente supposerait donc de retarder l’âge de départ à la retraite.
Ainsi, en Suède, les actifs peuvent partir dès 61 ans mais l’âge moyen auquel ils prennent leur retraite était de plus de 65 ans en 2014, contre moins de 60 ans en France, selon l’OCDE. La seule différence est qu’il reviendrait à chacun de « choisir » entre travailler plus longtemps et avoir une meilleure pension, ou partir plus tôt avec une pension moindre. Autrement dit, plus aucun gouvernement n’aurait à légiférer sur l’épineuse question de l’âge de départ à la retraite.
Nicolas Dupont-Aignan, l’autre partisan de la retraite à points
Le candidat de Debout la France ! a une proposition proche de celle d’Emmanuel Macron. Comme lui, il veut créer un régime de retraite unique et instaurer une retraite par points. Contrairement au candidat d’En marche !, M. Dupont-Aignan souhaite un système par points « classique », où un total de points accumulés est converti en pension au moment du départ en retraite. Il assure également que l’âge de départ légal et le montant des pensions ne seraient pas changés, mais là aussi le système par points incite à partir plus tard pour bénéficier d’une meilleure retraite.
En outre, le niveau de pension est déterminé en fonction d’une « valeur du point ». Celle-ci n’est pas fixe et peut donc varier à la hausse ou à la baisse chaque année, faisant varier le montant des pensions.
Toutefois, le candidat promet que la valeur du point serait revalorisée chaque année pour que les retraités « puissent améliorer leur niveau de vie ».

jeudi 23 janvier 2020

SI MACRON est le président de tous les FRANÇAIS ce jour il ne peut oublier des hommes comme HENRI KRASUCKI que j'ai eu l'occasion de rencontrer et que j’appréciais pour son humanisme (lien en explication) .


SI MACRON est le président de tous les FRANÇAIS ce jour il ne peut oublier des hommes comme HENRI KRASUCKI que j'ai eu l'occasion de rencontrer et que j’appréciais pour son humanisme (lien en explication)
 . 





D GAYRAUD

dimanche 19 janvier 2020

Régimes spéciaux : les pionniers des retraites HISTORIQUE



Régimes spéciaux : les pionniers des retraites 
HISTORIQUE
GÉRARD VINDT17/01/2020
C’est parce que le pouvoir a tardé à mettre sur pied un régime général de retraite que se sont multipliés, dans le secteur public comme dans le privé, des régimes spécifiques.
En 1945, le régime général de la Sécurité sociale organise l’assurance vieillesse de tous les salariés du privé non agricole dans l’objectif de construire à terme un régime généralisé et unique. Mais il est alors impossible d’aligner d’emblée le niveau des retraites des salariés du secteur privé sur celui que garantissent des régimes existant déjà dans divers secteurs.

Les fonctionnaires en premier

Ces régimes antérieurs se sont développés sur une base professionnelle, et d’abord en faveur de serviteurs de l’Etat régalien : dès 1673 pour les marins de la Royale et 1790 pour les militaires. En 1853, une loi réglemente la retraite par répartition des fonctionnaires : à 60 ans et après trente années de service et de cotisations s’élevant à 5 % du traitement, un fonctionnaire peut percevoir une pension d’un montant pouvant atteindre les trois quarts du traitement moyen des six dernières années.
D’autres salariés des administrations et entreprises publiques bénéficient au XIXe siècle d’un système de retraite : celles et ceux de la Poste, de l’Opéra de Paris (1856), les personnels civils des établissements militaires, ceux de la Banque de France ou des Manufactures des tabacs et allumettes (1897). Quelques municipalités fondent également leur propre caisse pour leurs employés : on en compte 130 en 1891. Certaines professions, comme les clercs de notaire, mettent sur pied leur propre régime, tout comme des professions libérales, les commerçants, etc.
Dans le privé aussi, certaines entreprises mettent en place des systèmes de pension dans la métallurgie, le textile, la chimie, la verrerie, pour environ 100 000 salariés en 1895. Pourquoi cette mansuétude ? Pour stabiliser la main-d’œuvre qualifiée. Parmi les entreprises privées considérées d’intérêt général et dont les pouvoirs publics se préoccupent parti­culièrement, la Compagnie parisienne d’éclairage et de chauffage par le gaz crée en 1859 une caisse de retraite pour ses employés et une autre en 1893 pour ses ouvriers. C’est le cas aussi des mines, dont les patrons ont souvent mis en place des caisses de retraite, une loi de 1894 unifiant tous ces systèmes.
Et puis, il y a les chemins de fer. Jusqu’en 1937. Ils sont aux mains de compagnies privées concessionnaires qui ont fondé des caisses de secours et de retraite pour leurs personnels dès leur création, là encore pour fidéliser une main-d’œuvre qu’elles forment elles-mêmes. Elles sont d’abord réservées aux employés et aux cadres, mais la loi du 27 décembre 1890 oblige à inclure les ouvriers, celle de 1909 unifie tous les régimes et impose notamment aux compagnies de servir des pensions égales au 1/50e du traitement moyen des six meilleures années de la carrière par année de cotisation (soit, par exemple, 60 % de ce traitement pour trente ans de cotisation), avec réversibilité de moitié au profit de la veuve. L’âge à partir duquel la pension peut être attribuée est fixé à 50 ans pour les agents de conduite des locomotives, 60 ans pour les administratifs et 55 ans pour les autres catégories de personnel. Différentes modifications interviennent par la suite, dont la principale est d’introduire un système de répartition en 1934.
Lors de la nationalisation des compagnies – en grande difficulté financière – et leur regroupement le 31 août 1937 dans la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), toutes les caisses de retraite sont réunies en une seule, subventionnée par l’Etat. La cotisation s’élève à 5 % du salaire, l’âge de départ est fixé entre 50 et 55 ans, après vingt-cinq ans de service. En 1939, 440 800 salariés de la SNCF cotisent et 255 000 touchent une retraite.

Vers un système général

Dès les années 1880, la question de la mise sur pied d’un système général est posée. Elle aboutit seulement en 1910 avec la loi sur les retraites ouvrières et paysannes. Celle-ci, censée bénéficier à 18 millions de personnes, n’en touchera que 2,5 millions. En cause, l’abandon rapide de la cotisation obligatoire sous la pression, d’un côté, du patronat, qui veut garder la haute main sur toutes ses « œuvres sociales », de l’autre, de la CGT, qui s’oppose à l’obligation de cotisation qui réduit les salaires, une « loi pour les morts »… Le niveau de pension versée sera très modeste.
La deuxième tentative date de 1930, avec la loi sur les assurances sociales. Le système mis en place est complexe, par capitalisation de cotisations salariales et patronales gérées par des caisses départementales aux mains des mutuelles, des syndicats salariés et patronaux, avec des niveaux de pensions toujours très modestes. En 1945-1946 enfin, la mise sur pied de la Sécurité sociale pour tous concerne aussi les retraites. Mais les régimes existants, plus avantageux, en particulier celui des cheminots, sont maintenus, conçus par les syndicats comme un horizon à atteindre par le régime général.
Au début des Trente Glorieuses, en 1953, lorsque, pour combattre l’inflation et comprimer les dépenses de l’Etat, le gouvernement de Joseph Laniel veut s’en prendre aux pensions des fonctionnaires et des agents des services publics, il provoque en plein mois d’août la plus grande vague de grèves que la France ait connue entre 1936 et 1968. Il renoncera finalement à appliquer ses décrets.
Puis, pendant les Trente Glorieuses, la question des régimes de retraite dits désormais « spéciaux » ne fait guère débat, d’autant que la gauche est porteuse d’un progrès pour le régime général, qui sera acté par l’ordonnance du 26 mars 1982 : celui de la retraite à 60 ans à taux plein (50 % du salaire annuel moyen des dix meilleures années) pour qui a cotisé 37,5 ans. C’était au siècle dernier…
        1.
        Pour les non-salariés, la loi de 1948 crée trois organisations autonomes d’assurance vieillesse : artisans, industriels et commerçants, professions libérales. Pour les agriculteurs, la caisse de retraite est gérée par la Mutualité sociale agricole.
        2.
        La démographie deviendra rapidement défavorable. Dès 1960, il y a 405 700 retraités pour 341 000 cotisants. Et en 2019, 251 344 pensionnés pour 139 603 cotisants : compressions et vieillissement du personnel sont à l’œuvre.
        3.
        Voir « 1910, linvention de la retraite », Alternatives Economiques n° 297

POUR EN SAVOIR PLUS

        « Jalons pour une histoire des retraites et des retraités (1914-1939) », par Antoine Prost, Revue d’histoire moderne et contemporaine n° 4, tome 11, 1964.
        « L’hiver de grève des cheminots », par Georges Ribeill, Vingtième siècle, revue d’histoire n° 16, 1987.
        « La lente construction des systèmes de retraite en France de 1750 à 1945 », par Jean-Marie Thiveaud, Revue d’économie financière n° 40, 1997.






HISTOIRE Régimes spéciaux : les pionniers des retraites


HISTOIRE  Régimes spéciaux : les pionniers des retraites
GÉRARD VINDT17/01/2020
C’est parce que le pouvoir a tardé à mettre sur pied un régime général de retraite que se sont multipliés, dans le secteur public comme dans le privé, des régimes spécifiques.
En 1945, le régime général de la Sécurité sociale organise l’assurance vieillesse de tous les salariés du privé non agricole dans l’objectif de construire à terme un régime généralisé et unique. Mais il est alors impossible d’aligner d’emblée le niveau des retraites des salariés du secteur privé sur celui que garantissent des régimes existant déjà dans divers secteurs 1.

Les fonctionnaires en premier

Ces régimes antérieurs se sont développés sur une base professionnelle, et d’abord en faveur de serviteurs de l’Etat régalien : dès 1673 pour les marins de la Royale et 1790 pour les militaires. En 1853, une loi réglemente la retraite par répartition des fonctionnaires : à 60 ans et après trente années de service et de cotisations s’élevant à 5 % du traitement, un fonctionnaire peut percevoir une pension d’un montant pouvant atteindre les trois quarts du traitement moyen des six dernières années.
D’autres salariés des administrations et entreprises publiques bénéficient au XIXe siècle d’un système de retraite : celles et ceux de la Poste, de l’Opéra de Paris (1856), les personnels civils des établissements militaires, ceux de la Banque de France ou des Manufactures des tabacs et allumettes (1897). Quelques municipalités fondent également leur propre caisse pour leurs employés : on en compte 130 en 1891. Certaines professions, comme les clercs de notaire, mettent sur pied leur propre régime, tout comme des professions libérales, les commerçants, etc.
Dans le privé aussi, certaines entreprises mettent en place des systèmes de pension dans la métallurgie, le textile, la chimie, la verrerie, pour environ 100 000 salariés en 1895. Pourquoi cette mansuétude ? Pour stabiliser la main-d’œuvre qualifiée. Parmi les entreprises privées considérées d’intérêt général et dont les pouvoirs publics se préoccupent parti­culièrement, la Compagnie parisienne d’éclairage et de chauffage par le gaz crée en 1859 une caisse de retraite pour ses employés et une autre en 1893 pour ses ouvriers. C’est le cas aussi des mines, dont les patrons ont souvent mis en place des caisses de retraite, une loi de 1894 unifiant tous ces systèmes.
Et puis, il y a les chemins de fer. Jusqu’en 1937. Ils sont aux mains de compagnies privées concessionnaires qui ont fondé des caisses de secours et de retraite pour leurs personnels dès leur création, là encore pour fidéliser une main-d’œuvre qu’elles forment elles-mêmes. Elles sont d’abord réservées aux employés et aux cadres, mais la loi du 27 décembre 1890 oblige à inclure les ouvriers, celle de 1909 unifie tous les régimes et impose notamment aux compagnies de servir des pensions égales au 1/50e du traitement moyen des six meilleures années de la carrière par année de cotisation (soit, par exemple, 60 % de ce traitement pour trente ans de cotisation), avec réversibilité de moitié au profit de la veuve. L’âge à partir duquel la pension peut être attribuée est fixé à 50 ans pour les agents de conduite des locomotives, 60 ans pour les administratifs et 55 ans pour les autres catégories de personnel. Différentes modifications interviennent par la suite, dont la principale est d’introduire un système de répartition en 1934.Lors de la nationalisation des compagnies – en grande difficulté financière – et leur regroupement le 31 août 1937 dans la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), toutes les caisses de retraite sont réunies en une seule, subventionnée par l’Etat. La cotisation s’élève à 5 % du salaire, l’âge de départ est fixé entre 50 et 55 ans, après vingt-cinq ans de service. En 1939, 440 800 salariés de la SNCF cotisent et 255 000 touchent une retraite2.

Vers un système général

Dès les années 1880, la question de la mise sur pied d’un système général est posée. Elle aboutit seulement en 1910 avec la loi sur les retraites ouvrières et paysannes. Celle-ci, censée bénéficier à 18 millions de personnes, n’en touchera que 2,5 millions. En cause, l’abandon rapide de la cotisation obligatoire sous la pression, d’un côté, du patronat, qui veut garder la haute main sur toutes ses « œuvres sociales », de l’autre, de la CGT, qui s’oppose à l’obligation de cotisation qui réduit les salaires, une « loi pour les morts »… Le niveau de pension versée sera très modeste3.
La deuxième tentative date de 1930, avec la loi sur les assurances sociales. Le système mis en place est complexe, par capitalisation de cotisations salariales et patronales gérées par des caisses départementales aux mains des mutuelles, des syndicats salariés et patronaux, avec des niveaux de pensions toujours très modestes. En 1945-1946 enfin, la mise sur pied de la Sécurité sociale pour tous concerne aussi les retraites. Mais les régimes existants, plus avantageux, en particulier celui des cheminots, sont maintenus, conçus par les syndicats comme un horizon à atteindre par le régime général.
Au début des Trente Glorieuses, en 1953, lorsque, pour combattre l’inflation et comprimer les dépenses de l’Etat, le gouvernement de Joseph Laniel veut s’en prendre aux pensions des fonctionnaires et des agents des services publics, il provoque en plein mois d’août la plus grande vague de grèves que la France ait connue entre 1936 et 1968. Il renoncera finalement à appliquer ses décrets.
Puis, pendant les Trente Glorieuses, la question des régimes de retraite dits désormais « spéciaux » ne fait guère débat, d’autant que la gauche est porteuse d’un progrès pour le régime général, qui sera acté par l’ordonnance du 26 mars 1982 : celui de la retraite à 60 ans à taux plein (50 % du salaire annuel moyen des dix meilleures années) pour qui a cotisé 37,5 ans. C’était au siècle dernier…
  • 1.
  • Pour les non-salariés, la loi de 1948 crée trois organisations autonomes d’assurance vieillesse : artisans, industriels et commerçants, professions libérales. Pour les agriculteurs, la caisse de retraite est gérée par la Mutualité sociale agricole.
  • 2.
  • La démographie deviendra rapidement défavorable. Dès 1960, il y a 405 700 retraités pour 341 000 cotisants. Et en 2019, 251 344 pensionnés pour 139 603 cotisants : compressions et vieillissement du personnel sont à l’œuvre.
  • 3.
  • Voir « 1910, l’invention de la retraite », Alternatives Economiques n° 297

POUR EN SAVOIR PLUS

HISTOIRE des Régimes spéciaux pionniers des retraites






HISTOIRE  Régimes spéciaux : les pionniers des retraites GÉRARD VINDT17/01/2020
C’est parce que le pouvoir a tardé à mettre sur pied un régime général de retraite que se sont multipliés, dans le secteur public comme dans le privé, des régimes spécifiques.
En 1945, le régime général de la Sécurité sociale organise l’assurance vieillesse de tous les salariés du privé non agricole dans l’objectif de construire à terme un régime généralisé et unique. Mais il est alors impossible d’aligner d’emblée le niveau des retraites des salariés du secteur privé sur celui que garantissent des régimes existant déjà dans divers secteurs 1.

Les fonctionnaires en premier

Ces régimes antérieurs se sont développés sur une base professionnelle, et d’abord en faveur de serviteurs de l’Etat régalien : dès 1673 pour les marins de la Royale et 1790 pour les militaires. En 1853, une loi réglemente la retraite par répartition des fonctionnaires : à 60 ans et après trente années de service et de cotisations s’élevant à 5 % du traitement, un fonctionnaire peut percevoir une pension d’un montant pouvant atteindre les trois quarts du traitement moyen des six dernières années.

D’autres salariés des administrations et entreprises publiques bénéficient au XIXe siècle d’un système de retraite : celles et ceux de la Poste, de l’Opéra de Paris (1856), les personnels civils des établissements militaires, ceux de la Banque de France ou des Manufactures des tabacs et allumettes (1897). Quelques municipalités fondent également leur propre caisse pour leurs employés : on en compte 130 en 1891. Certaines professions, comme les clercs de notaire, mettent sur pied leur propre régime, tout comme des professions libérales, les commerçants, etc.
Dans le privé aussi, certaines entreprises mettent en place des systèmes de pension dans la métallurgie, le textile, la chimie, la verrerie, pour environ 100 000 salariés en 1895. Pourquoi cette mansuétude ? Pour stabiliser la main-d’œuvre qualifiée. Parmi les entreprises privées considérées d’intérêt général et dont les pouvoirs publics se préoccupent parti­culièrement, la Compagnie parisienne d’éclairage et de chauffage par le gaz crée en 1859 une caisse de retraite pour ses employés et une autre en 1893 pour ses ouvriers. C’est le cas aussi des mines, dont les patrons ont souvent mis en place des caisses de retraite, une loi de 1894 unifiant tous ces systèmes.
Et puis, il y a les chemins de fer. Jusqu’en 1937. Ils sont aux mains de compagnies privées concessionnaires qui ont fondé des caisses de secours et de retraite pour leurs personnels dès leur création, là encore pour fidéliser une main-d’œuvre qu’elles forment elles-mêmes. Elles sont d’abord réservées aux employés et aux cadres, mais la loi du 27 décembre 1890 oblige à inclure les ouvriers, celle de 1909 unifie tous les régimes et impose notamment aux compagnies de servir des pensions égales au 1/50e du traitement moyen des six meilleures années de la carrière par année de cotisation (soit, par exemple, 60 % de ce traitement pour trente ans de cotisation), avec réversibilité de moitié au profit de la veuve. L’âge à partir duquel la pension peut être attribuée est fixé à 50 ans pour les agents de conduite des locomotives, 60 ans pour les administratifs et 55 ans pour les autres catégories de personnel. Différentes modifications interviennent par la suite, dont la principale est d’introduire un système de répartition en 1934.
Lors de la nationalisation des compagnies – en grande difficulté financière – et leur regroupement le 31 août 1937 dans la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), toutes les caisses de retraite sont réunies en une seule, subventionnée par l’Etat. La cotisation s’élève à 5 % du salaire, l’âge de départ est fixé entre 50 et 55 ans, après vingt-cinq ans de service. En 1939, 440 800 salariés de la SNCF cotisent et 255 000 touchent une retraite2.

Vers un système général

Dès les années 1880, la question de la mise sur pied d’un système général est posée. Elle aboutit seulement en 1910 avec la loi sur les retraites ouvrières et paysannes. Celle-ci, censée bénéficier à 18 millions de personnes, n’en touchera que 2,5 millions. En cause, l’abandon rapide de la cotisation obligatoire sous la pression, d’un côté, du patronat, qui veut garder la haute main sur toutes ses « œuvres sociales », de l’autre, de la CGT, qui s’oppose à l’obligation de cotisation qui réduit les salaires, une « loi pour les morts »… Le niveau de pension versée sera très modeste3.
La deuxième tentative date de 1930, avec la loi sur les assurances sociales. Le système mis en place est complexe, par capitalisation de cotisations salariales et patronales gérées par des caisses départementales aux mains des mutuelles, des syndicats salariés et patronaux, avec des niveaux de pensions toujours très modestes. En 1945-1946 enfin, la mise sur pied de la Sécurité sociale pour tous concerne aussi les retraites. Mais les régimes existants, plus avantageux, en particulier celui des cheminots, sont maintenus, conçus par les syndicats comme un horizon à atteindre par le régime général.
Au début des Trente Glorieuses, en 1953, lorsque, pour combattre l’inflation et comprimer les dépenses de l’Etat, le gouvernement de Joseph Laniel veut s’en prendre aux pensions des fonctionnaires et des agents des services publics, il provoque en plein mois d’août la plus grande vague de grèves que la France ait connue entre 1936 et 1968. Il renoncera finalement à appliquer ses décrets.
Puis, pendant les Trente Glorieuses, la question des régimes de retraite dits désormais « spéciaux » ne fait guère débat, d’autant que la gauche est porteuse d’un progrès pour le régime général, qui sera acté par l’ordonnance du 26 mars 1982 : celui de la retraite à 60 ans à taux plein (50 % du salaire annuel moyen des dix meilleures années) pour qui a cotisé 37,5 ans. C’était au siècle dernier…
  • 1.Pour les non-salariés, la loi de 1948 crée trois organisations autonomes d’assurance vieillesse : artisans, industriels et commerçants, professions libérales. Pour les agriculteurs, la caisse de retraite est gérée par la Mutualité sociale agricole.
  • 2.La démographie deviendra rapidement défavorable. Dès 1960, il y a 405 700 retraités pour 341 000 cotisants. Et en 2019, 251 344 pensionnés pour 139 603 cotisants : compressions et vieillissement du personnel sont à l’œuvre.
  • 3.Voir « 1910, l’invention de la retraite », Alternatives Economiques n° 297
POUR EN SAVOIR PLUS